lettre de paul Malnoë au CPA (22 mai 1986)

Note (Claude Got) Cette déclaration et les deux lettres qui la suivent m'ont été communiquées par le syndicat CGT- FO

Déclaration de Paul MALNOE

le 22.05.86

au conseil d'administration de l'INRS

Nous tenons à préciser notre position concernant le point 3 où il a été question, page 5 à la ligne DG de la participation de l'INRS à un colloque international en préparation sur l'amiante dans le cadre du Comité Permanent de l'Amiante et d'une subvention de 80 KF.

Nous avons exprimé notre désaccord quant à la participation de l'INRS à un tel colloque et à la subvention qui était accordée pour l'organisation de cette réunion. Il nous a été répondu que notre organisation était membre du Comité Permanent de l'Amiante.

Nous nous sommes renseignés et nous avons appris qu'il s'agissait d'une initiative qui n'avait pas reçu l'accord de notre Confédération et en conséquence, personne n'est mandaté pour représenter la CGT-FO à ce Comité.

Mais puisque l'occasion nous en est donnée, nous tenons, d'une part, à confirmer ce que nous avons déclaré le 6 Mars, c'est-à-dire que nous sommes contre la participation de l'INRS à ce Comité et bien entendu, au versement d'une subvention et d'autre part à rappeler les raisons qui nous ont conduit à adopter une telle attitude.

L'amiante est cancérigène et le nombre de ses victimes est considérable d'autant plus qu'il a fallu attendre la dernière décennie pour que les Pouvoirs Publics élaborent une règlementation stricte concernant notamment l'interdiction de flocage et la limitation de l'empoussiérage dans l'industrie.

L'amiante fait partie de la liste des produits dont on est certain de leur action cancérigène chez l'homme et toutes les opérations destinées à expliquer que l'amiante est irremplaçable ne pourront rien contre le fait que même en employant des précautions draconiennes lors de son utilisation, c'est un matériau qui est, et reste la cause de nombreuses maladies et de nombreux décès.

Pour contrôler la pollution dans les entreprises qui utilisent l'amiante, les méthodes de prélèvement, la qualité des mesures ne se font pas toujours à l'endroit et au moment où il le faudrait.

L'amiante est l'objet d'un enjeu économique d'importance, même si elle est reconnue comme dangereuse, cancérigène, elle est toujours autant utilisée dans l'industrie comme le prouve l'examen de la production mondiale.

Ce que nous constatons également, c'est que des moyens énormes sont employés pour justifier et réhabiliter l'emploi de l'amiante conférence internationale, campagne de presse, journaux, constitution de Comité etc.. font la démonstration que les producteurs et les utilisateurs de ce minéral possèdent à un degré très élevé, la science du marketing.

C'est ce qui nous fait dire que ceux qui ont des intérêts dans l'industrie de l'amiante ne cherchent pas sans doute de manière très active à accélérer les recherches capables d'identifier les matériaux de remplacement moins dangereux et à introduire ces produits de substitution au lieu et place de l'amiante.

Certes, nous savons qu'il ne serait pas réaliste à l'heure actuelle, d'envisager une interdiction sans nuance de l'amiante bien que dans la Construction Navale par exemple, son emploi soit pratiquement interdit, mais l'élimination des substances et des produits dangereux pour la santé des travailleurs constitue, rappelons-le, un objectif essentiel pour une politique de prévention.

Aussi, nous considérons que chacun doit rester à sa place. Il ne faut pas confondre les rôles. Il est de la responsabilité des producteurs et des utilisateurs de l'amiante, de veiller à ce que les travailleurs puissent exercer leur activité dans de bonnes conditions et soient effectivement protégés et il est de la responsabilité de l'INRS de veiller, par ses recherches et ses interventions, à ce que les produits, les matières utilisés ne nuisent pas à la santé des travailleurs.

En participant à ce Comité Permanent de l'Amiante, l'INRS qu'on le veuille ou non apporte sa caution à une opération qui n'a pas seulement pour but de rechercher une meilleure prévention pour les travailleurs, mais aussi au-delà, de réhabiliter l'emploi de l'amiante comme le prouve le bulletin international publié par l'Institut de l'amiante.

D'ailleurs, pourquoi un Comité Permanent de l'Amiante ? Demain on nous demandera peut-être de participer à un Comité Permanent du Chlorure de Vinyle, du Benzène ou tout autre produit cancérigène. C'est là une hypothèse sans doute gratuite, mais quand on a mis le doigt dans l'engrenage, on risque d'y passer tout entier.

C'est pourquoi, nous n'approuvons pas la participation de l'INRS à ce Comité Permanent de l'Amiante et nous sommes pour qu'il se retire de cette structure tout en apportant sa contribution à l'action pour une meilleure prévention des travailleurs exposés à l'amiante.

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Comité Permanent Paris, le 27 mai 1986 Amiante 1660/86

MV/DC Monsieur Paul Malnoë Aux bons soins de l'INRS 30 rue Olivier Noyer 75680 PARIS CEDEX 14

Monsieur,

Le Comité Permanent Amiante me charge de vous faire part de l'émotion causée par votre déclaration du 22 mai dernier à l'INRS et qui est venue à sa connaissance.

Bien que l'existence même du Comité suppose la plus totale liberté d'expression, certaines affirmations contenues dans votre déclaration ont profondément choqué les membres participant à sa dernière réunion plénière le 27 mai dernier.

L'estimation globale faite par le Comité le pousse à la conclusion que seul un manque d'information sur son origine, ses buts, son activité et ses résultats ont pu vous conduire à porter un jugement que l'ensemble du Comité s'accorde à trouver inéquitable.

Connaissant l'attachement de votre Centrale au dialogue, le Comité souhaite vivement que vous acceptiez une rencontre au cours de laquelle il sera possible de vous apporter tous les éléments de jugement nécessaires. Dans ce but, je me tiens à votre disposition (45 62 20 03) pour trouver une date d'agrément commune.

Je vous prie de croire, Monsieur, à mes sentiments les meilleurs.

 

Pour le Comité

Le Secrétaire

Marcel VALTAT

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Paul MALNOE Saint-Nazaire, le 2 Juin 1986 B.P. 98 98 44600 SAINT-NAZAIRE

Monsieur Marcel VALTAT Comité Permanent de l'Amiante

Aux bons soins de l'INRS

Monsieur,

J'ai pris connaissance de votre lettre du 27 Mai 1986 dans laquelle vous me faîtes part de l'émotion causée par la mise au point que nous avons cru devoir faire lors du Conseil d'Administration de l'INRS du 22 Mai.

Cette intervention était une réponse à un point de l'ordre du jour du Conseil d'Administration du 6 Mars concernant la participation de l'INRS à un colloque international sur l'amiante et d'une subvention de 80KF et donc interne à l'INRS.

Qu'une personne bien intentionnée ait cru devoir vous remettre ce texte et que sa lecture ait pû choquer les membres de votre Comité Permanent de l'Amiante siégeant en séance plénière le 27 Mai dernier ne change rien à ce que nous pensons des problèmes liés à l'utilisation de l'amiante.

Notre prise de position explique clairement les raisons pour lesquelles nous nous refusons de participer à votre Comité.

Nous vous rappelons que par lettre en date du 13 Novembre 1981, dont ci-joint photocopie, l'Association Française de l'Amiante qui est une des composantes très importante du Comité Permanent de l'Amiante, nous avait demandé de participer à une réunion fixée au 3 Décembre 1981 afin de nous expliquer comment, au-delà de certains amalgames hasardeux, elle préférait "s'attacher à résoudre les véritables problèmes posés par l'utilisation du matériau".

Puis, il y a eu le symposium de Montréal et ensuite la constitution du Comité Permanent de l'Amiante.

Cette démarche démontre que les producteurs et les utilisateurs de l'amiante sont à la recherche de la mise en place d'un label de qualité et pour cela ils sont prêts à utiliser tous les moyens pour que l'amiante soit un risque socialement acceptable.

Pour parvenir à cet objectif, l'Association Française de l'Amiante n'a pas hésité à demander elle-même, l'application volontaire d'une limite maximale d'exposition de 1 fibre par cm3. Nous lui en donnons acte.

Mais le problème posé reste celui de l'utilisation de l'amiante, étant donné que dans l'état actuel des recherches scientifiques, il n'est pas possible de fixer les niveaux d'exposition "sûrs", de définir une dose en dessous de laquelle le risque serait nul. La seule situation véritablement "sûre" ne peut être atteinte qu'en interdisant au maximum l'usage de l'amiante, étant donné qu'il n'est pas possible de déterminer à partir de quel seuil d'exposition l'amiante devient dangereuse.

Par ailleurs, nous avons eu la possibilité de constater que pour contrôler la pollution de l'atmosphère dans les entreprises qui utilisent de l'amiante, les méthodes de prélèvement, comme la qualité des instruments d'analyse et de mesure, ne sont pas toujours ce qu'ils devraient être et de plus, les prélèvements ne se font pas toujours à l'endroit et au jour où il le faudrait ; les visites d'entreprises devraient être inopinées et non pas annoncées plusieurs jours avant.

Les méthodes de mesure et de contrôle des taux d'empoussièrement de l'amiante en milieu. industriel nous apparaissent comme étant primordiales pour l'application d'une politique de prévention et dans ce domaine, nous pensons qu'il reste beaucoup à faire.

C'est pour cette raison, comme nous l'avons dit dans notre intervention au C.A de l'INRS, le 22 Mai, que chacun doit rester à sa place. Il ne faut pas confondre les rôles. Il est de la responsabilité des producteurs et des utilisateurs de l'amiante de veiller à ce que les travailleurs puissent exercer leur activité dans de bonnes conditions et soient effectivement protégés et il est de la responsabilité de l'INRS de veiller par ses recherches et ses interventions, à ce que les produits, les matières utilisés ne nuisent pas à la santé des travailleurs.

Grâce à votre lettre, la possibilité nous étant offerte de réaffirmer notre position, nous l'avons fait en essayant de rejeter toute polémique inutile.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire, l'expression de nos sentiments distingués.

PAUL MALNOE