Académie de Médecine 1996
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L'Académie nationale de médecine - constatant, à propos des effets de l'amiante sur la Santé humaine, que de très importantes mesures réglementaires sont déjà publiées ou en cours d'étude et de publication en France et dans l'Union Européenne, - constatant que des mesures spécifiques figurent dans la législation relevant de la sécurité du Travail et de la protection de la Santé publique,- constatant les relations, établies, entre l'utilisation professionnelle de divers types d'amiante et les affections de fibrose pulmonaire, de fibrose pleurale, de cancer du poumon et de mésothéliomes pleuraux et péritonéaux, qui sont imputées à ce minéral au titre des maladies professionnelles et réparées à ce titre sur le mode forfaitaire propre à la législation française, - constatant aussi l'inquiétude manifestée par l'ensemble des médias et par la population générale concernant les risques encourus par la simple présence d'êtres humains dans des bâtiments publics ou privés contenant de l'amiante, - constatant, enfin, le coût élevé des campagnes de déflocage, leurs résultats parfois désastreux et l'évolution rapide du concept de protection générale contre les dangers de l'amiante dans des pays industriellement aussi développés que la France et aussi soucieux qu'elle de la protection des individus et de l'environnement, a constitué un groupe de travail en vue de proposer des recommandations pratiques concernant les bâtiments, à usage public ou privé, et les interventions sur les parois et structures ayant subi un flocage ou un calorifugeage à l'amiante et susceptibles, actuellement, de se dégrader. INTRODUCTION Objectifs de l'étude Le groupe de travail est formé dans le but exclusif de fournir, sur un mode compréhensible, des moyens de réflexion sur l'opportunité d'intervenir dans des bâtiments où vit la population non exposée professionnellement à l'amiante (exposition passive), en particulier ceux fréquentés par le public dont les établissements d'enseignement , et de préciser les attitudes pratiques visées dans la circulaire du 15/09/94, en fondant ses recommandations sur les observations médicales validées et les faits scientifiquement établis au cours des 20 dernières années. L'Académie de médecine n'a pas pour objectif d'intervenir, par cette démarche, dans des discussions d'ordre politique comme celle du bannissement total ou partiel de l'amiante, ni dans l'historique de certaines questions d'ordre scientifique ayant déjà fait l'objet de discussions et de conclusions d'experts, en particulier sur : - l'identification toxicologique de la dangerosité spécifique des diverses fibres minérales naturelles et fabriquées (fibres d'amiante de formes géométriques et de structures différentes : amphiboles estimées actuellement comme les plus dangereuses, chrysotile estimé comme peu dangereux du fait de sa dégradation spontanée dans l'organisme humain, a fortiori l'évaluation de la dangerosité réelle des fibres de verre, de céramique, de matières végétales, de polymères, etc.), même s'il est démontré que des différences d'effets existent et sont utilisées dans certaines réglementations françaises et étrangères; - les méthodes d'analyse, de comptage, de pesée : la référence à l'identification de l'amiante dans les matériaux et au comptage en fibres/ml ou en fibres/l (1 f/ml ou 1 f/cc vaut 1 000 f/litre) d'air seront seules utilisées dans le texte; - les modes d'établissement de références normalisées dans l'air respiré, en particulier la durée des prélèvements qui doit être d'autant plus longue que les taux sont plus faibles, à seule fin d'atteindre un minimum de précision; - les méthodes de mise en sécurité des postes de travail et de protection individuelle des ouvriers; - les modes de rédaction des réglementations nationales, internationales et étrangères, le choix de facteurs de sécurité, puis de précaution; - enfin, le bien-fondé et les limites de la recherche d'un air idéalement pur. Le groupe de travail, bien qu'informé de nombreuses autres études sur le sujet, mécanismes d'action, réflexions théoriques et extrapolations biomathématiques surtout, ne commentera pas, parmi les hypothèses émises à propos de l'amiante : - les hypothèses générales et de plus en plus contradictoires sur les effets des doses très faibles et leur modélisation biomathématique, - les évaluations biomathématiques publiées qui en résultent, - les théories diverses sur l'action biologique, en particulier immunitaire, des fibres, - les hypothèses sur des mécanismes d'action pathogène (rôle des traces de fer, des radicaux oxygénés des polysilicates, des autres radicaux libres, rôle des polluants, etc.). Malgré leur grand intérêt théorique, l'Académie de médecine n'estime pas devoir les inclure dans sa réflexion en raison de l'absence ou de l'impossibilité d'une validation expérimentale ou épidémiologique. Le groupe de travail n'a retenu, comme hypothèse maximaliste des effets de l'amiante à dose très faible, que la règle de proportionnalité en raison de sa simplicité pratique et bien que sa pertinence scientifique ne soit ni démontrée, ni même vraisemblable compte tenu de la physiologie respiratoire de l'être humain. Rappel des effets de l'exposition professionnelle à doses élevées (dizaines à centaines de fibres par millilitre d'air) Avant d'aborder le sujet de l'exposition passive, il est nécessaire de revenir sur les maladies dues à l'exposition professionnelle à l'amiante. Cette attitude, apparemment illogique, est justifiée par le fait que, jusqu'à présent, aucune maladie due à l'amiante n'a été formellement prouvée en France en dehors d'une exposition de type professionnel. 1. - L'ambiance professionnelle non contrôlée et ses risques pour la Santé humaine 1.1. - Maladies professionnelles dues à l'amiante. Taux jugés tolérables au cours des années 1970-1990 L'ensemble des maladies provoquées par l'inhalation prolongée d'amiante a été défini progressivement dans les groupes professionnellement exposés de manière évidente et sur des sites naturels très riches en amiante et modifiés par des travaux humains (habitations proches de mines d'amiante). L'exposition est bien corrélée à ces maladies, d'apparition lente, survenant dans des délais de 2 à 10 ans pour les signes initiaux de fibrose pleurale et pulmonaire, de 15 à 30 ans (20 ans en moyenne) pour les cancers du poumon, de 15 à 50 ans pour les mésothéliomes, après le début de l'exposition. Ces données n'ont pu être établies que très lentement pour les maladies les plus rares et d'apparition tardive comme les mésothéliomes, les cas actuels correspondant à des expositions datant des années 1960 et même 1950. A l'époque, les moyens de mesure étaient peu sensibles et peu spécifiques et les effets de l'amiante, décrits comme asbestose, figuraient parmi les pneumoconioses (1945, Tableau 30 (1950)). Lorsqu'il a été possible d'effectuer des mesures validées, il a été constaté que les taux d'exposition étaient très élevés, de l'ordre de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de fibres par ml d'air (plusieurs dizaines à centaines de milliers de fibres par litre d'air). Dans ces conditions, les insuffisances respiratoires provoquées par une fibrose pulmonaire (asbestose classique proprement dite) ont été reconnues depuis la première moitié du XXe siècle. Les altérations plus accentuées des séreuses pleurales et péritonéales (pachypleurite, plaques calcifiées) et, presque à la même période, les proliférations cancéreuses des mêmes séreuses (mésothéliomes), les cancers du poumon chez les travailleurs de l'amiante n'ont été systématiquement étudiés et dénombrés qu'au cours des années 1960 et 1970. En raison des imperfections flagrantes des premières études soutenues par une forte poussée médiatique, des études françaises ont été systématiquement poursuivies et se sont révélées moins alarmantes que certaines études étrangères. Le décret français de protection des ouvriers date de 1977, les maladies citées étant inscrites aux tableaux des maladies professionnelles. Les données validées ont permis d'affiner les connaissances, de proposer des garanties de sécurité croissantes et de corriger des affirmations parfois excessives. Certains résultats, portant sur des maladies rares comme le mésothéliome pleural qui frappe un ouvrier fortement exposé sur 2 000 sans qu'aucune explication n'ait pu être apportée à une telle singularité, font comprendre pourquoi il a fallu des dizaines d'années pour qu'un consensus apparaisse entre la plupart des spécialistes de cette affection. A propos du cancer du poumon, il a été démontré, dès le début des études épidémiologiques sérieuses, que le rôle du tabagisme associé était quasi exclusif. Après de nombreuses études, le facteur tabagisme est, en tout cas, considéré comme très prépondérant. Il est maintenant considéré que l'inhalation de fibres d'amiante à des taux nettement supérieurs à 1 fibre/ml (1 000 fibres/l) est un facteur amplificateur du nombre des cas de cancers du poumon par tabagisme actif. Ce facteur amplificateur n'est pas démontré (résultats classés non-significatifs) lorsque le taux devient inférieur à 1 fibre/ml (1 000 f/l d'air). L'Académie nationale de médecine rappelle que le taux de survenue annuelle (incidence) d'un cancer du poumon chez un non-fumeur est évalué à 8(5-15)/100 000 (cancer rare), chez un fumeur à 80(50-150)/100 000 (cancer fréquent), et que pour les expositions à l'amiante à des niveaux considérés comme faibles et jugés longtemps légalement tolérables pour un ouvrier (8 heures/j durant sa vie professionnelle) (<1 f/ml, <1 000 f/litre d'air), l'apparition de cancers du poumon "supplémentaires" dans la population générale est évaluée, par les biomathématiciens, à moins de un cas sur 100 000 (0-5). Ce chiffre, équivalent à zéro en raison du degré d'incertitude biologique affecté à ces études, est une simple indication "proportionnelle" donnée par les théoriciens des conclusions épidémiologiques. Il indique l'absence de danger démontrable. Pour illustrer cette notion d'extrapolation "logique et impossible", (la mort accidentelle étant comme le cancer un phénomène actuellement imprévisible, en admettant que l'automobile tue 10 000 personnes par an en France pour une vitesse moyenne de 100 km à l'heure, le calcul "proportionnel" note que "mathématiquement" il faudrait rouler à 0,5 km à l'heure pour ne tuer qu'une seule personne par an et par million d'habitants sur la route"). Le tabagisme demeure la cause essentielle, sinon exclusive, de cancer du poumon d'origine exogène, même chez les professionnels actuels de l'amiante, et les responsables de Santé publique ne doivent pas se tromper de cible dans leurs recommandations. D'importantes études épidémiologiques récentes, comprenant un recul de 20 ans et plus, montrent que l'effet cancérogène ou co-cancérogène de l'amiante (cancer du poumon) n'est plus décelé dans d'importantes populations industrielles protégées, travaillant dans les conditions détaillées par les textes législatifs et réglementaires. Ces conditions sont précisées dans des brochures pratiques, éditées par les ministères intéressés, Travail et Santé, utilisables par les populations professionnelles exposées à moins de 1 fibre/ml (1 000 fibres/I d'air) et des décrets récents, de 1996, concernent les travailleurs intervenant sur les bâtiments amiantés. Pour des raisons éthiques qu'il y a lieu de faire comprendre à la population, il a été décidé de réduire encore le taux légal d'exposition professionnelle à l'amiante à 0,3 f/ml, ensuite à 0,2 puis 0,1 f/ml (100 fibres/litre) (en 1992). Cette démarche est une précaution visant à garantir une marge supplémentaire de sécurité. Elle résulte des efforts accomplis en milieu industriel pour mesurer les pollutions et les réduire par une adaptation technique continue. L'adaptation aux travaux ponctuels ou réalisés en dehors des sites industriels est beaucoup plus complexe : la surveillance régulière de l'atmosphère ne pouvant y être effectuée, seule une protection individuelle simple et efficace (port d'un masque, par exemple) peut et doit être imposée. Les mésothéliomes des séreuses posent des problèmes particuliers difficiles à exposer. Bien que très rares, ce sont des marqueurs très spécifiques d'une exposition professionnelle à l'amiante, malheureusement extrêmement décalés dans le temps par rapport au début de l'exposition. Ce décalage est la source de toutes les confusions actuelles puisque les observations des années 1975-1990 correspondent aux travaux de bâtiment débutant dans les années d'après-guerre 39-45. Une relation dose-effet a été établie pour des empoussiérages industriels massifs. Les tableaux de réparation légale forfaitaire des maladies professionnelles ont été rédigés, revus et complétés régulièrement de 1950 à 1996, sous le regard et avec l'accord des partenaires sociaux, après information complète et discussion. 1.2. - Personnels d'intervention et pathologie permanente due à l'amiante Leur situation est très particulière car leur activité sur des parois et calorifugeages n'est pas continue mais ponctuelle (quelques minutes ou heures par semaine). Un effet cancérogène par produit chimique se manifestant après une longue période d'accumulation, leur situation n'a pas été jugée dans un premier temps comparable à celle d'ouvriers exposés en permanence (8 h/j) à leur poste de travail. Mais l'attitude réglementaire de précaution s'est développée, à juste titre, et, du fait des difficultés de contrôle du poste de travail, des protections individuelles doivent être imposées pendant le travail à risque, si minime soit ce risque. Le suivi analytique des expositions occasionnelles est techniquement impossible. Tous les ouvriers exposés de fait en raison de leur profession (plombiers, électriciens...) dans des bâtiments publics ou privés construits en incorporant l'amiante n'ont pas été, et certains ne sont pas encore, informés et protégés. Certaines activités se sont poursuivies sans contrôles satisfaisants, en particulier lors de la première vague médiatique en faveur d'un déflocage aveugle. Les réglementations nationales ont dû être renforcées sur divers points : - le désamiantage par des équipes temporaires échappant plus ou moins aux protections légales est interdit, - le travail sur des matériaux contenant de l'amiante (percements, installations nouvelles) effectué sans information ni protection doit être interdit. Même si aucun incident n'a été constaté, ce qui est normal lorsque le groupe humain concerné est réduit, étant donné qu'on observe actuellement une augmentation croissante des maladies pleurales habituellement associées à une exposition à l'amiante (plaques pleurales et, heureusement plus rarement, mésothéliome) dans cette population de travailleurs, ces mesures ont été et sont encore notoirement insuffisantes dans certains bâtiments. L'Académie nationale de médecine insiste sur le fait que les propriétaires et responsables des immeubles contenant de l'amiante ont une responsabilité directe de sécurité envers les personnels techniques (professionnels) qu'ils emploient. Certains travaux, effectués à titre individuel par des non-professionnels, exposent ceux-ci à des taux interdits par les législations professionnelles (bricolage, manipulations "sauvages"). L'interdiction doit être clairement indiquée à tous les personnels susceptibles d'intervenir, sans autorisation, sur des parois et des calorifugeages, quelle que soit l'importance de l'intervention (modification d'appareillage par exemple). Cela concerne le personnel de laboratoire, les chercheurs. Outre les moyens de protection individuelle, très simples, le danger du tabagisme et son sevrage comme protection essentielle contre le cancer du poumon ne sont pas toujours clairement indiqués dans les locaux envisagés. Plusieurs épidémiologistes constatent que des interventions non protégées sur les parties de bâtiments contenant de l'amiante exposent, encore actuellement, de trop nombreux professionnels à des maladies comparables à celles décrites avant les réglementations actuelles. C'est malheureusement une simple évidence, de mauvaises conditions d'un travail actuel ayant la même dangerosité que les conditions de travail des années 50. Elles confirment aussi le fait que les nouvelles observations de maladies dues à l'amiante ne disparaissent pas immédiatement et qu'elles continueront à apparaître, malgré les réglementations, si une information répétée n'est pas donnée sur les moyens simples de protection individuelle. Une mesure aussi radicalement perçue par l'opinion publique que le bannissement total de l'amiante ne change en rien la situation dans un pays. Elle ne résout aucun des problèmes poses par ce matériau et peut même faire négliger des mesures indispensables à prendre sans délai. L'apparition de cancers du poumon chez les fumeurs et celle de mésothéliomes étant retardée de 20 à 40 ans par rapport au début de l'exposition anormale, l'observation de ces cancers se poursuivra tant que les précautions élémentaires ne seront pas respectées et se poursuivra encore 20 à 40 ans après la fin des expositions, en alimentant périodiquement des craintes collectives aux conséquences bien prévisibles. 1.3. - Le cas des mésothéliomes L'Académie nationale de médecine constate que des maladies caractéristiques des anciens travailleurs de l'amiante (mésothéliomes des séreuses) se rencontrent encore à des taux pratiquement inchangés et même croissants d'année en année (Peto GB, 1995), cela malgré une législation de sécurité très renforcée. L'examen détaillé des cas nouveaux, hors exposition professionnelle actuelle, démontre - soit qu'il s'agit du résultat d'expositions à l'amiante anciennes, non-protégées, - soit que certains dangers actuels n'ont été ni identifiés ni contrôlés jusqu'à maintenant mais qu'ils le sont facilement par une enquête simple (travaux de bricolage sans protection par exemple). Les mouvements d'opinion suscités par les mésothéliomes incitent d'abord à émettre des propositions très strictes de règlement intérieur touchant la maintenance des bâtiments contenant de l'amiante. Ils obligent aussi à revenir sur les conditions de survenue de ce cancer de la plèvre et du péritoine. Nous avons indiqué qu'il s'agissait d'un cancer survenant rarement, même chez les ouvriers exposés à des doses massives (< 1/2 000), d'un cancer exceptionnel dans l'ensemble de la population (2-3/1 000 000 dans la population certainement non exposée, 10-12/1 000 000 dans la population générale, professionnels compris). Ce qui correspond bien à l'affirmation maintenant admise que 25 à 30 % des mésothéliomes actuels ne se rattachent à aucune cause identifiable et sont sans rapport scientifiquement démontré avec l'amiante. Selon la règle de la "proportionnalité", en appliquant un facteur réductionnel de 250 par rapport aux expositions professionnelles continues anciennes, de l'ordre de 10 à 100 fibres par millilitre d'air au minimum, on devrait retrouver dans un avenir lointain, pour le mésothéliome, le taux observé dans la population non exposée. Le taux de sécurité s'établit selon ce raisonnement très grossier à un niveau situé vers 50 fibres/litre (taux cumulé inférieur à 500 f/l année) et rejoint la fourchette des taux dits d'intervention publiés dans les décrets récents. Selon l'hypothèse "proportionnelle", un taux inférieur à 5 fibres/litre d'air ne permet pas d'identifier les cas résultant d'une exposition à l'amiante parmi les observations de mésothéliomes survenant dans des populations non exposées. Un taux de 25 fibres par litre d'air et une exposition prolongée pendant soixante années (8 h/j) exposeraient à un taux "calculable" de 1 cas sur un million, chiffre équivalent à zéro en biomathématique mais que des considérations non scientifiques peuvent faire prendre en compte devant certaines instances. Le dénombrement des cas français annuels indique environ 600 cas nouveaux par an. Les observations sont pratiquement absentes chez l'enfant et l'adolescent, très rares chez les adultes de moins de 35-40 ans, s'élèvent vers 60-70 ans et se maintiennent à un taux notable jusqu'aux âges extrêmes en raison d'une double évolution : long délai d'apparition des mésothéliomes dus à l'amiante professionnelle, augmentation rapide du nombre des cancers avec le grand âge. Des publications médiatiques indiquent des chiffres de plusieurs dizaines de milliers en additionnant les cas probables accumulés sur 30 ans. Dans le même laps de temps, 18 millions de Français auront trouvé la mort pour d'autres raisons (300 000 sur la voie publique, 1 million par cancer du poumon d'origine tabagique) et le nombre de mésothéliomes non expliqués par une exposition professionnelle ancienne, massive et prolongée, est et restera trop faible pour départager mésothéliomes spontanés et mésothéliomes dus à de faibles taux d'amiante dans l'air. A signaler que l'identification d'un mésothéliome exige des examens histologiques rigoureux effectués par des anatomo-pathologistes expérimentés, la lésion analogue la plus fréquente étant un cancer secondaire métastatique de la plèvre, sans rapport avec l'amiante. Plus généralement, le mésothéliome ne doit pas être confondu avec des altérations pleurales banales, maladies sans gravité comme les épaississements pleuraux modérés ou certaines plaques pleurales dépistées par hasard ou dans le cadre d'une surveillance professionnelle, à distinguer d'épaississements graisseux. Ces plaques pleurales ne prédisposent pas au cancer et il faut mettre en garde contre des interventions chirurgicales intempestives à leur niveau. Il existe une incertitude sur le diagnostic exact de ce que l'on enregistre sous la rubrique 163, comme P. Brochard et al. ont pu le vérifier avec Mme Hatton, de l'INSERM, pour l'année 1992, en particulier sur 902 décès codés 163 pour la France entière. Les auteurs ont revu 300 dossiers des régions Ile-de-France et PACA-Corse pour vérification du diagnostic correspondant seulement 49 % des cas ont été confirmés mésothéliome. Par ailleurs, en vérifiant le code enregistré pour les cas décédés de l'enquête cas-témoin conduite dans les mêmes régions, le code 163 était exact dans 74 % des cas. A partir de cette double vérification, on arrive à peu près à 600 cas de mésothéliomes certains ou très probables pour l'ensemble du territoire. Le constat régulier des nouveaux cas de mésothéliomes vrais alimente très naturellement une crainte diffuse dans la population générale, crainte qu'il convient de dissiper avec fermeté lorsque l'air respiré (inhalation passive) ne contient que des taux très faibles de fibres d'amiante. 2. - L'inhalation passive de fibres d'amiante (en milieu non professionnel) C'est le véritable sujet de notre réflexion. Les dangers de l'exposition passive à des fibres d'amiante doivent être évalués à partir des informations obtenues auprès des professionnels. A ce titre, une exposition à 100 fibres/I d'air, 8 h/j, 5 j/semaine (limite à atteindre en 1998) pendant plus de 10 ans est jugée sans aucun danger appréciable en matière de cancer du poumon, sans danger mesurable, a fortiori mesuré avec certitude, en matière de mésothéliome. Si le séjour dans le bâtiment est de 24 h/j, un premier taux de sécurité vie durant pourrait être évalué théoriquement au tiers de celui recommandé pour 8/j, soit 100/3 = 33 fibres par litre d'air. Une attitude prudente est certainement toujours la bienvenue en matière de pureté de l'air respiré, mais parler ou écrire sur l'amiante d'une manière générale sans tenir compte des doses ou quantités réellement présentes dans l'air respiré relève au mieux d'une marque d'ignorance, au pire d'une volonté de chantage. Nous nous référerons donc à des taux mesurés. 2.1. - La situation pour un taux moyen de 1 fibre * par litre d'air est parfaitement sûre * fibre de longueur (L) supérieure â 5 micrométres, de diamétre (D) inférieur â 3 micromètres, L/D > 3 (OMS, Méthode homologuée). Après avoir choisi des attitudes radicales, sous la pression d'une puissante manipulation médiatique, des pays développés, très soucieux de la protection des citoyens et de l'environnement comme la Grande-Bretagne et les Etats-Unis (Agence de protection de l'environnement), ont répété depuis plusieurs années que la plupart des mesures de déflocage systématique ont été ruineuses et sans amélioration objective de la Santé publique, aussi bien à court terme qu'à long terme. Compte tenu de l'expérience des autres pays développés, il y a lieu de concevoir, pour la France, une attitude tenant compte des expérience malencontreuses déjà réalisées ailleurs et de promouvoir des stratégies de protection au cas par cas, pour chaque local, car il existe d'autres méthodes de protection totale (encapsulage, coffrage, fixation), peu onéreuses, à étudier systématiquement de telle sorte qu'elles mettent hors de danger toute la population (étudiants, élèves, administratifs...). 2.2. - Numération des fibres - L'analyse préalable Pour ce qui concerne la sécurité des personnes, toute étude toxicologique passe par la démonstration de la présence, dans un élément absorbé par l'être humain, d'un élément envisagé comme nocif puis par l'évaluation des taux nécessaires à son action défavorable, préalables nécessaires aux réglementations de protection. La procédure vaut pour toutes les substances, sans aucune exception. Or, en France, en milieu urbain et rural, l'air normal contient entre 0,1 fibre/l et 2 fibres/l (microscopie électronique à transmission, méthode indirecte, techniques mises au point par le Laboratoire d'Etude des Particules Inhalées (LEPI)). Ce taux est dit de base. L'amiante est un matériau naturel aussi stable que le sable ou l'argile. Il se disperse dans les poussières de l'air de la même manière que les autres matières non organiques et se dépose de même. Les mesures des taux de l'ordre de 1 fibre par litre d'air, bien que très délicates, sont maintenant fiables mais ne peuvent être menées à bien que par des laboratoires équipés du matériel indispensable, servi par des techniciens entraînés, les résultats étant contrôlés par des ingénieurs spécialisés. Ces laboratoires doivent être agréés et fonctionner selon le règlement général des Bonnes Pratiques de Laboratoire. Les résultats obtenus en un temps de prélèvement suffisant doivent inclure un nombre de déterminations suffisant pour obtenir une moyenne et des écarts selon les règles classiques des mesures physico-chimiques validées. Dans ces conditions, il est exceptionnel de trouver, dans les publications officielles ou privées, l'indication de taux supérieurs à 2 fibres/litre dans l'air urbain, dans des bâtiments à usage public et dans des bâtiments privés sans amiante ou dont les revêtements sont en bon état. Autrement dit, la composition de l'air est pratiquement la même partout et seules des élévations de taux peuvent indiquer une anomalie et une dispersion anormale d'amiante. L'Académie de médecine souhaite donc que soit fait mention, dans les textes à visée éducative, d'une référence de précaution primaire, celle d'un taux inférieur à 2 f/l d'air correspondant schématiquement au taux de base moyen maximum rencontré dans une atmosphère urbaine non-polluée, ne représentant aucun danger. Avant toute opération sur un bâtiment, une stratégie d'examen systématique puis des mesures doivent être pratiquées et validées selon les principes et recommandations des décrets du 7 février 1996. Même Si cette détermination exige un délai de quelques mois pour que le nombre de laboratoires agréés sur le territoire français soit suffisant, des interventions de déflocage à l'aveugle, avant identification puis dosage, sont formellement déconseillées. En attendant les mesures dans l'air et les décisions concertées, certains locaux suspects seront éventuellement considérés comme insalubres sur simple inspection après un contrôle, au microscope à lumière polarisée, de la présence d'amiante dans les matériaux dégradés. Ce contrôle, peu onéreux, n'est pas un dosage mais une identification par comparaison à des variétés d'amiante de référence. Il peut être facilement confirmé par des méthodes physiques courantes en laboratoire telles que la microspectrométrie infra-rouge à transformée de Fourier ou la diffraction X. Si, ultérieurement, le dosage dans l'air indique moins de 2 fibres/l, non seulement le danger actuel est strictement nul mais aucune modification ne doit être proposée au titre de la seule protection de la Santé contre l'amiante. Toute intervention autre que l'entretien normal du bâtiment, évidemment nécessaire, sera coûteuse et néfaste car elle mobilisera des quantités importantes d'amiante qu'il sera difficile de capter et d'éliminer totalement, malgré les perfectionnements des appareils de déflocage. Imparfaite, elle peut polluer, pendant de longs mois, un établissement parfaitement sain jusque-là. En France, une élimination radicale - et sans danger pour les personnes présentes - de tout l'amiante des bâtiments publics serait une opération d'une ampleur gigantesque et, dans l'immense majorité des cas, inutile, toujours dangereuse pour l'environnement Si des précautions draconiennes, à la limite des possibilités techniques, ne sont pas mises en oeuvre. Leur coût s'élèverait à plusieurs dizaines de milliards de francs. A titre d'exemple, l'enlèvement de l'amiante dans l'établissement Jussieu, site phare de l'élaboration de la question de l'amiante dans les bâtiments publics (Université Paris VI et VII) aurait été évalué à 800 millions FF, chiffre supérieur à l'ensemble du budget de maintenance de tous les établissements scolaires. Si une telle décision était nécessaire à la protection de la Santé des occupants, il est bien évident qu'il faudrait la réaliser quel que soit son coût. Ce ne semble pas être le cas. Risque incendie L'Académie nationale de médecine, soucieuse d'une juste appréciation "bénéfice/risque", rappelle aussi que, pendant des décennies, l'amiante a été le moyen idéal de protection contre les incendies et que, chaque fois qu'il peut être conservé dans un bâtiment sans danger de dispersion, sa résistance au feu et la protection qu'il apporte contre la propagation d'incendies doivent le faire respecter, surtout dans les établissements collectifs qui reçoivent enfants et vieillards, là où les blessures et morts par le feu sont malheureusement loin d'être exceptionnelles et où le danger potentiel d'incendie se situe, dans tous les cas, à un niveau très supérieur à celui d'un risque amiante reconnu inexistant. 2.3. - Les situations intermédiaires (de 2 à 100 fibres/l d'air), moins de 0,1 f/ml Les textes réglementaires, publiés en France et à l'étranger, font état de niveaux d'intervention différents selon le nombre de fibres d'amiante dans l'air. La discordance s'explique : les niveaux choisis entre 2 et 100 fibres/l d'air et inscrits dans les diverses recommandations ne sont pas des niveaux de danger réel mais des références choisies en termes de précaution, selon les règles de la toxicologie expérimentale appliquée à la législation moderne. Cette discipline exprime ses observations par des termes convenus : (pas d'effet, pas d'effet nocif (ou adverse) observable) (no effect level, no observable effect level (NEL, NOEL)). Pour un produit réputé cancérogène, le facteur de précaution doit être le plus élevé possible en tenant compte des résultats expérimentaux, des situations imposées par l'environnement géologique naturel non modifiable, des limites techniques de l'analyse chimique et des modes d'interventions réalisables. Il peut donc varier d'un pays à l'autre et d'un site à l'autre. Il est illusoire de vouloir passer sur des filtres l'atmosphère d'une ville entière, alors que c'est une opération possible pour une usine. L'évolution de la doctrine de sécurité doit aussi être intégrée dans la réflexion scientifique et, par exemple, le slogan "une fibre égale un cancer", qui a fait florès dans les années 60, est maintenant totalement abandonné par les cancérologues les plus sourcilleux. La formation d'un cancer exige des interventions répétées dépassant largement un effet unique sur une seule cellule. Dans le même temps, il n'est pas choquant d'entendre prôner, pour des raisons extra-scientifiques, une sécurité théorique totale, même s'il s'agit souvent d'une option coûteuse et illusoire dont le financement aurait été mieux utilisé ailleurs. La situation en discussion (mesure validée entre 2 à 100 fibres/litre d'air) se trouvera réalisée au poste de travail dans la législation française du travail à partir de 1998. Par comparaison, pour être à ce niveau pratique de sécurité, nous avons indiqué plus haut qu'un être humain vivant sur le territoire français, quel qu'il soit, professionnel de l'amiante ou non), devrait respirer en permanence (24 h/24) une atmosphère contenant un nombre de fibres d'amiante inférieur à (100/3 = 33 fibres/litre). Cela doit être clairement expliqué à la population car un citoyen normal ne peut ni comprendre ni admettre pourquoi des différences de tolérance entre ouvriers de l'amiante et population générale existeraient dans des textes de lois nationales alors que chacun doit être protégé également. Le risque professionnel consenti et indemnisé par des primes de risque, est une conception archaïque, formellement rejetée pour les conditions du travail humain moderne en France. 2.3.1. - Population résidente, de passage et personnels n 'intervenant pas sur les structures Comme les taux effectivement trouvés dans les bâtiments se situent en général largement au-dessous de la valeurs de 33 f/l, des informations et recommandations doivent être adaptées à la population générale permanente des établissements publics (élèves, étudiants, professeurs et personnel administratif) et aux professionnels n'intervenant pas sur les structures de ces bâtiments. 1) L'amiante n'est dangereux que par inhalation de ses poussières. Le danger ne réside en aucun cas dans la présence d'amiante dans une paroi mais dans sa dispersion dans l'air ambiant à partir de la paroi ce qui implique, en l'absence d'intervention directe, un affleurement et une friabilité de la surface amiantée. 2) Le chrysotile est une forme d'amiante qui n'a pas provoqué de mésothéliomes, en dehors de cas d'expositions massives et prolongées. Cela s'expliquerait par sa solubilité dans l'organisme. 3) Au décours d'une intervention directe bien conduite, l'amiante éventuellement dispersé se dépose rapidement et peut être facilement aspiré en totalité. 4) Dans des locaux en voie de dégradation, la population de passage ou travaillant sans intervention directe peut être exposée temporairement à des atmosphères ambiantes anormales bien que sans danger pour la Santé, compte tenu de la durée d'exposition. A ce propos, des niveaux de référence figurent dans les législations et réglementations françaises et étrangères. - Les textes français (décret n° 96-97) mentionnent les taux d'exposition permanente de référence de 0,025 f/ml, (25 f/I) et 0,005 f/ml (5 f/l). Ces taux anormaux, par rapport au taux de base, se situent dans la zone de "précaution importante", de très grande sécurité pour la population générale et n'ont qu une valeur indicative en faveur d'une intervention technique. Celle-ci peut se limiter à la recherche d'une source indépendante du bâtiment (matériel calorifugé par exemple), à la couverture ou au coffrage d'un plafond. - La validation de taux très faibles, indiscutablement supérieurs aux taux de l'air urbain de voisinage, mais proches de 5 fibres/l d'air, indique que le bâtiment contient très probablement de l'amiante à localiser et à surveiller sans qu'il y ait urgence et besoin de le faire sans délai. Il peut aussi s'agir d'une contamination de voisinage. - La validation de taux faibles, proches de 25 f/I [15-30), fait craindre, Si plusieurs mesures confirment une telle pollution, une altération de revêtements d'amiante ou une contamination (par ventilation par exemple). Il faut la dépister et la traiter. Dans ce cas, bien souvent, il suffira de méthodes simples, limitées et élémentaires, pour revenir rapidement à un taux inférieur à 2 f/I. Les fibres d'amiante sédimentent rapidement en milieu confiné et sont éliminées de l'air à respirer. 5) Si le résultat revient avec un niveau compris entre 25-30 et 100 f/l et bien que le danger pour la santé publique ne soit pas identifié chez l'homme ni à court ni à long terme pour ces taux et pour un séjour de 8 h/j, 5 j/sem. environ, il y a lieu de diagnostiquer, sans délai, la cause de la contamination et d'intervenir pour la supprimer, surtout si l'amiante identifié n'est pas du chrysotile. C'est une attitude de précaution absolument inéluctable, surtout s'il n'existe pas dans ce bâtiment de possibilité d'intervention spécialisée permanente mettant en oeuvre médecine du travail et comité d'hygiène et de sécurité d'entreprise. Une réponse technique et sociologique adéquate doit être proposée. Là encore, il n'est pas nécessaire de décider d'emblée d'un déflocage total Si des moyens de protection limités, simples et efficaces, peuvent être appliqués et si leurs résultats, rapidement contrôlés, sont favorables. Après assainissement, le bâtiment restera sous surveillance rapprochée (2 ou 3 ans). Après une information impartiale résultant de faits clairement établis, la recherche consensuelle de solutions pragmatiques, compréhensibles par tous, serait en tout cas infiniment préférable, - soit à une attitude de refus de toute solution partielle entraînant, outre la recherche de crédits importants pour tout modifier, des discussions de plus en plus mal fondées avec, finalement, un retard de plusieurs années apporté à la solution de problèmes assez simples et l'apparition de demandes de réparation amiable ou par voie judiciaire, - soit à la solution du déflocage total généralisé, aveugle. 6) Enfin, une décision d'insalubrité et de fermeture immédiate des locaux puis d'intervention radicale : destruction contrôlée ou déflocage total, doit être envisagée et peut être proposée, sans autre examen, en particulier Si le bâtiment est vétuste, irréparable, lorsque le taux de pollution dépasse en moyenne 1 f/ml (1 000 f/I). Dans ce cas, une reconstruction totale, après démolition contrôlée, peut être préférée malgré ses dangers pour l'environnement urbain, le foudroiement d'immeubles de grande hauteur impliquant une large dispersion des poussières. 3. - Education. Information permanente L'Académie de médecine estime qu'il est urgent de mieux faire comprendre la situation à la population générale, en expliquant 1) que des interventions ministérielles, législatives et la coopération entre partenaires sociaux clairement informés, le développement technologique et les progrès analytiques réalisés dans des domaines très difficiles, une information équilibrée du grand public et des décideurs ont permis de supprimer pratiquement le danger amiante dans le milieu professionnel, à condition que chacun respecte la réglementation en vigueur et son évolution; 2) qu'il est urgent d'indiquer que la présence d'amiante dans des matériaux est assez facile à rechercher pour un observateur entraîné et que cette recherche est peu onéreuse mais n'a qu'une valeur d'identification, le comptage des fibres d'amiante, dans l'air respiré, étant le seul indicateur de danger potentiel; 3) que les possibilités d'accès à des laboratoires de mesure du nombre de fibres d'amiante par millilitre ou par litre d'air seront mises en place en 1996 (le choix de l'unité - par millilitre ou par litre - n'étant pas innocent en matière de pression médiatique mais gardant, évidemment, la même signification médicale et scientifique pour les faits d'observation). Des laboratoires sont déjà agréés pour mesurer l'amiante en atmosphère professionnelle. D'autres sont en cours d'agrément en vue de déterminer, avec exactitude, des taux très faibles de l'ordre de 1 fibre/litre d'air, 4) que le coût d'un dosage dans l'air est relativement peu élevé par rapport à celui d'un déflocage décidé à l'aveugle mais réalisé dans les conditions réglementaires et qu'il diminuera dans un proche avenir. L'Académie nationale de médecine recommande aussi une action planifiée cohérente des responsables des bâtiments publics, une action d'aide gouvernementale en faveur des dépenses nécessaires à l'évaluation de l'état de conservation des flocages et calorifugeages contenant de l'amiante et en faveur d'une assistance aux demandeurs d'assistance technique, publics ou privés. En outre, une information adéquate s'impose. L'organisation d'une forme de toxicovigilance, comparable à celle déjà mise en place à propos des alertes à la pollution atmosphérique excessive ou à la pollinisation de l'air, devrait permettre de rassurer la majorité de la population sur la qualité de son habitat et des locaux mis à disposition des enfants et des adolescents. Une telle initiative est justifiée à seule fin d'éviter des mouvements irraisonnés, de limiter les pressions parfois mercantiles qui risquent de peser sur des personnes apeurées, en particulier sur les parents d'élèves, ou des personnalités fragiles ou trop sensibles à des pressions d'allure menaçante, de délimiter les pressions morales qui peuvent s'exercer sur les personnes chargées de recueillir des preuves, de dire le droit et de décider de réparations de préjudices. L'information s'appuierait sur les publications scientifiques validées et tenues à jour par des centres de documentation spécialisés, sur les documents déjà rédigés par les ministères concernés, sur la terminologie retenue par le Ministère du Travail et l'INRS dans les textes visant à protéger les ouvriers, sur les textes publiés par des agences gouvernementales et étrangères selon les bonnes pratiques de l'observation médicale et de l'épidémiologie humaine sur les travaux français et étrangers d'épidémiologie humaine, professionnelle ou non, effectués par des experts compétents en médecine humaine ayant une expérience pratique et raisonnée dans ce domaine et, bien évidemment, sur les observations médicales directes et sur les mesures validées. L'Académie nationale de médecine rappelle que le meilleur moyen de prévenir certaines maladies comportementales engendrées par une crainte collective est de maintenir un bon niveau d'information du public et de répondre, sans délai, à toutes les questions posées, quel que soit leur contenu. 4. - Environnement En recherchant parallèlement une protection de l'environnement, l'Académie nationale de médecine rappelle enfin que, si le taux d'amiante actuel, dans l'air urbain, est de l'ordre de 0,1-2 fibres par litre d'air, il est évidemment bon de maintenir, par précaution, les taux futurs à un niveau aussi bas que possible. Les travaux de désamiantage, a fortiori de démolition, ne peuvent qu'élever ce taux urbain s'ils ne sont pas conduits dans des conditions extrêmement rigoureuses. L'élévation du taux urbain, au-dessus de 5 fibres par litre en certaines zones habitables, serait la conséquence la plus absurde et la plus irréversible d'une opération menée brutalement sur des locaux non dangereux sous l'effet d'une impulsion ou d'un état de suggestibilité collective entretenu par des publications riches en phrases imprécises ou ambiguës. L'Académie nationale de médecine se devait de tenter de limiter les dommages causés ou prévisibles liés à des connaissances insuffisantes ou biaisées, les "ravages de l'effet d'annonce" (Michèle Biétry) et de proposer des explications et des recommandations (Tableau I) propres à préserver la Santé physique et mentale de la population. L'Académie, saisie dans sa séance du mardi 30 avril 1996, a adopté ce rapport à l'unanimité.
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