Chapitre 4
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CHAPITRE IV : Ramener les manquements les moins graves au Code des marchés publics au niveau de la contravention

 

Le groupe d'étude s'est interrogé sur le périmètre exact de sa mission. En effet, certains manquements au Code des marchés publics, dont la qualification délictuelle résulte de l'article 432-14 du Code pénal, peuvent être analysés, selon les hypothèses, soit comme des infractions non intentionnelles, qui entrent sans aucun doute dans la mission de réflexion du groupe, soit comme des infractions intentionnelles qui en sont exclues. Selon ses motivations, le même fait peut constituer l'un ou l'autre et est soumis aux mêmes sanctions.

1. Distinguer, parmi les délits de favoritisme, les actes graves et les actes moins graves.

 

Les faits les plus souvent mentionnés et qui mettent en cause les élus de bonne foi sont de simples erreurs matérielles ou procédurales, commises par les services lors de l'ouverture des plis ou la vérification des offres, ou bien des dépassements minimes de seuils dus à des contraintes extérieures à la volonté des élus. Il arrive qu'un contrôle de légalité vigilant, ou le plus souvent des entreprises évincées de l'attribution du marché, informent le Parquet de ce manquement. L'élu se trouve alors engagé dans une procédure pénale qu'il ne comprend pas, s'en étant remis, pour les maires des communes petites ou moyennes dépourvues de services techniques et juridiques, aux indications parfois imprécises des services de l'Etat ou d'organismes de conseil, voire aux incertitudes du Code des marchés publics, par exemple en ce qui concerne la notion d'opération. Il comprend d'autant moins sa mise en cause que le délit qui lui est reproché, celui de favoritisme, est le même que celui qu'ont commis consciemment quelques élus dénoncés lors de procès médiatisés. Peut-on traiter de la même manière l'exécutif d'une grande collectivité qui favorise sciemment une entreprise lors d'un marché de plusieurs dizaines de millions de francs et celui d'une commune de deux cents habitants qui commet une erreur de procédure en appliquant de bonne foi ce qu'il croit être la règle posée par le Code des marchés pour la réfection de la toiture de la mairie-école ou de l'église de la commune ?

Le groupe, reprenant ici les demandes unanimes des associations d'élus, considère que la répression des infractions les plus graves au Code des marchés, surtout s'il en résulte un enrichissement personnel, doit rester sévère. Il a, en revanche, souhaité atténuer les sanctions qui sont susceptibles de frapper l'élu de bonne foi dont les services ont commis une simple erreur sans intention coupable.

 

2. Préférer un seuil objectif à la recherche délicate de l'intention coupable.

 

Deux voies au moins sont envisageables :

La première consisterait à distinguer selon que la violation du Code des marchés a été ou non consciente. Lors des auditions auxquelles il a procédé, le groupe a beaucoup entendu parler d'erreur administrative, qui ressemblerait à la faute de service, qu'il faudrait distinguer de l'erreur volontaire, qui traduirait la faute personnelle. Cette distinction conduirait à revenir trop nettement sur la jurisprudence Thépaz (TC, 14 janv. 1935, cf. supra) et à exonérer systématiquement de toute sanction pénale certaines fautes de service pourtant répréhensibles.

La seconde a recueilli les faveurs du groupe d'étude : la fixation d'un seuil financier qui distinguerait les manquements lourdement ou légèrement réprimés.

Le groupe d'étude ne propose pas de modifier le droit applicable aux marchés les plus importants, qui continueraient à être classés comme des délits assortis de sanctions lourdes, en termes d'amendes comme de peines d'emprisonnement.

En revanche, pour les manquements relatifs à des marchés publics restés en deçà d'un seuil qui reste à déterminer, il faudrait opérer un déclassement en contraventions, punies par l'amende la plus élevée, celle de la cinquième classe.

Ce déclassement présente au moins trois avantages :

il fait disparaître la procédure lourde et traumatisante de la mise en examen par le juge d'instruction, tant redoutée des élus placés sous le regard de ceux qui l'assimilent à une déclaration de culpabilité ;

il maintient la sanction pénale. Certains trouveront peut-être encore inéquitable de frapper d'une amende pouvant aller jusqu'à 10 000 francs (et même 20 000 francs en cas de récidive) un élu dont les services ont commis, en toute bonne foi, une erreur de procédure. Mais les enjeux de la passation des marchés sont tels que la sanction doit subsister ;

il est objectif : la fixation d'un seuil selon le montant du marché ne laisse pas de place à d'infinis débats, qui seraient plutôt une cause de complication s'agissant de contraventions.

 

3. Conserver en l'état le délit de prise illégale d'intérêt.

 

En revanche, le groupe d'étude ne propose aucune modification aux sanctions applicables au délit de prise illégale d'intérêt, qui doivent rester dissuasives pour éviter aux élus et agents publics les tentations de mélanger l'intérêt général dont ils ont reçu la charge et leurs intérêts privés.