Article 1er
M. le président. « Art. 1er. - Le troisième alinéa de l'article 121-3 du
code pénal est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute,
d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou
de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur
des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas
échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences
ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
« Toutefois, dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes
physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé la
situation qui en est à l'origine ou n'ont pas pris les mesures permettant de
l'éviter, ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont,
soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de
prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une
faute d'une exceptionnelle gravité exposant autrui à un danger qu'elles ne
pouvaient ignorer. »
Sur l'article, la parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, cet article 1er est, bien entendu, au coeur du dispositif que nous
entendons mettre en place et qui, je l'espère, sera adopté aujourd'hui.
La solution retenue par l'Assemblée nationale implique, pour que la
responsabilité d'une personne soit engagée, d'une part, que la faute soit
d'une gravité exceptionnelle et, d'autre part, qu'elle ait exposé autrui à un
danger que cette personne ne pouvait ignorer.
Cette définition doit permettre de pallier les effets dévastateurs
qu'entraîne chez les décideurs - tous les décideurs, et pas uniquement les
décideurs publics - l'actuelle insécurité juridique.
D'un côté, nous souhaitons à juste titre que nos compatriotes s'impliquent
davantage dans les affaires de la cité et dans la vie sociale, qu'ils prennent
des responsabilités. De l'autre côté, nous le savons bien, ils en sont de
plus en plus dissuadés par le phénomène de la pénalisation excessive.
Il ne s'agit pas pour autant d'aboutir, comme par un effet de pendule, à une
dépénalisation excessive qui lèserait les droits des victimes ; je crois que
nous en sommes tous convaincus.
Mais nous traitons le problème en aval : il ne faut pas non plus oublier, en
quelque sorte, l'amont. En exprimant ce que nous entendons dans nos
départements, dans nos communes et dans nos cantons, je veux évoquer
l'agacement très profond des décideurs devant la multiplication des normes
qui, très souvent, prolifèrent comme des métastases et bloquent les
initiatives.
Ayant entendu avec beaucoup d'intérêt le débat qui vient d'avoir lieu entre
la commission des lois et certains de nos collègues, je veux livrer quelques
impressions.
Tout d'abord, il me semble que ce débat, pour fondamental qu'il soit, traite
d'un sujet extrêmement difficile ; mais peut-être la solution que nous allons,
je l'espère, adopter ne sera-t-elle qu'une solution transitoire ? J'ai bien
entendu M. Dreyfus-Schmidt évoquer, même si c'était avec une certaine
discrétion, sa position personnelle en faveur de la dépénalisation des
délits non intentionnels. (M. Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
C'est une position qui mérite le respect et qui justifierait peut-être des
discussions plus approfondies.
Mais il faut agir, et vite. Alors, que l'on ne nous dise pas que nous nous
sommes précipités ! Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'insister sur les
précautions prises et sur les auditions réalisées par la commission des lois.
Je pense que toute personne de bon sens et de bonne foi ici le reconnait.
Ces amendements du Gouvernement, qui, sans doute, ne changent pas
substantiellement les choses et que nous pourrions à la limite voter,
apparaissent tout de même, si l'on veut bien y réfléchir, comme une tentative
de retarder encore la décision.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais non !
M. Adrien Gouteyron. Alors, madame la ministre, vous avez pris tout à l'heure
des engagements que nous avons écoutés avec intérêt. Mais nous sommes bien
obligés de constater que ce dossier est en instance depuis longtemps, et nous
estimons que la décision doit être prise.
J'ai entendu nos amis du groupe socialiste, notamment M. Dreyfus-Schmidt. Quand
on a parlé, tout à l'heure, du talent de ce dernier, j'ai approuvé ; mais je
dois dire que, de ce talent, il faut souvent se méfier. (Sourires) Plus
notre collègue fait preuve de son talent dans ses interventions, et plus nous
devons nous demander où est la malice. (Nouveaux sourires. - M.
Dreyfus-Schmidt fait un signe de dénégation.)
Nous ne pouvons tout de même pas oublier, monsieur Dreyfus-Schmidt, que le
texte a été voté, ici, en première lecture, par le groupe socialiste, si je
ne m'abuse, et qu'il a été également voté en première lecture à
l'Assemblée nationale par le même groupe.
M. Claude Estier. Mais pas par vos amis !
M. Adrien Gouteyron. J'allais y venir, monsieur Estier !
On me dit que le texte n'a pas été voté par nos amis...
M. Henri de Raincourt. Nos amis, on s'en occupe !
M. Adrien Gouteyron. Oui, nous nous occupons de nos amis, c'est notre affaire !
M. Henri de Raincourt. Ça nous amuse !
Mme Nicole Borvo. Chacun ses amis !
M. Adrien Gouteyron. Par ailleurs, nous entendons nous prononcer, dans cette
assemblée, de manière complètement autonome.
M. Hubert Haenel. Les assemblées sont indépendantes !
M. Adrien Gouteyron. Cette décision, nous allons la prendre en connaissance de
cause, persuadés que le moment est maintenant venu de prendre nos
responsabilités.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Oui, monsieur le président.
M. Haenel a fait une proposition ; j'ai cru comprendre, madame la ministre, que
vous n'y étiez pas hostile. Vous avez simplement dit qu'il fallait d'abord
trouver le point d'équilibre. Nous estimons, pour notre part, qu'il est déjà
trouvé. Et si vous souhaitez que des assurances soient prises quant à
l'application du texte, constituez donc ce groupe de suivi et de vigilance avec
les partenaires qu'a indiqués M. Haenel ! Nous tranquilliserons ainsi ceux qui
pourraient avoir des craintes. Mais c'est maintenant le moment de la décision,
et nous prenons nos responsabilités ! (Applaudissements sur les travées du
groupe du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. Je ferai deux observations et une suggestion.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues a prétendu qu'il n'était pas beaucoup
question des victimes dans cette proposition de loi et que le mot n'avait été
prononcé qu'une seule fois. Mais n'oublions pas les autres textes, notamment le
projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et,
précisément, « les droits des victimes », texte que nous avons récemment
adopté ici, à l'unanimité. Donc, à cette proposition de loi, il convient
d'ajouter tous les autres textes, notamment celui-ci. D'ailleurs, madame le
garde des sceaux, vous m'avez fort courtoisement adressé en photocopie une
circulaire qui traite de cette question et dont plusieurs paragraphes concernent
les victimes. Donc, il ne faut pas se méprendre : les victimes font partie de
nos préoccupations constantes.
Par ailleurs - c'est ma deuxième observation - on a insinué tout à l'heure
que ce texte ne concernerait que les décideurs publics. Faux ! Il concerne
toute personne physique et, au nombre des décideurs, figurent toutes les
personnes qui prennent des responsabilités dans la cité - présidents
d'associations, présidents de clubs sportifs, de football, de basket, etc. -
qui sont bien entendu concernées elles aussi par ce texte.
Je ferai une suggestion à laquelle, je le sais, le président de la commission
des lois n'est pas favorable,...
M. Henri de Raincourt. Nous non plus !
M. Hubert Haenel. ... mais je la formule tout de même, pour prouver la bonne
volonté des uns et des autres.
Quand on lit de près ces trois amendements, finalement, on peut très bien
imaginer que les magistrats auraient d'eux-mêmes interprété ce texte en le
complétant des quelques mots qui lui manquent.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas le troisième !
M. Hubert Haenel. On pourrait donc dire que le dépôt de ces amendements
n'était pas absolument nécessaire.
Madame le garde des sceaux, vous pourriez nous demander de voter ces trois
amendements et vous engager de votre côté à demander un vote bloqué à
l'Assemblée nationale la semaine prochaine. Le texte serait alors définitif.
Il y a un précédent à cet égard. Rapporteur d'un texte long et lourd sur la
réforme complète du droit de l'assurance, texte qui nous avait demandé des
semaines de travail, j'avais interrogé, lors de la deuxième lecture au Sénat,
Pierre Bérégovoy, alors ministre de l'économie et des finances : « Qu'est-ce
qui me prouve que, si le Sénat est d'accord avec vos amendements, l'Assemblée
nationale les adoptera ? », lui avais-je dit. Il s'était alors engagé à
demander un vote bloqué à l'Assemblée nationale. C'est sans doute la seule
fois, sous la Ve République, que, sous un gouvernement de gauche, la procédure
du vote bloqué a été utilisée à l'Assemblée nationale.
Je dis cela, mais je sais très bien qu'il n'y a pas d'issue, dans la mesure où
les intentions ne sont pas toujours aussi claires qu'on veut bien le dire.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Comme je l'ai dit dans mon intervention générale, je suis
favorable aux amendements déposés par le Gouvernement.
M. Haenel a cité certains de mes propos. Effectivement, le terme « victimes »
ne figure qu'une fois. Mais vous avez sans doute noté également, mon cher
collègue, que j'ai évoqué le texte sur la présomption d'innocence,
considérant qu'il apportait une amélioration.
M. Hubert Haenel. Dont acte !
Mme Nicole Borvo. L'un n'empêche pas l'autre.
La proposition de loi ne concerne certes pas que les décideurs publics, mais
c'est à eux que l'on se réfère pour demander l'adoption du texte en l'état.
Monsieur Haenel, vous posez un problème, vous avez déclaré que vous pourriez
voter ces amendements, mais que vous avez décidé d'en rester à votre
position. (M. Haenel s'exclame.)
Cela ne me paraît pas logique. Je crois que nous pourrions nous mettre d'accord
pour continuer à réfléchir ensemble sur ce point. Et, en y mettant de la
bonne volonté, nous aboutirions certainement assez vite, compte tenu du souci
de rapidité que vous mettez en avant aujourd'hui - tel n'est pourtant pas
toujours le cas ! - à une solution.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Le Sénat, fidèle à sa tradition, à son souci du travail
parlementaire et à la préoccupation qui est la sienne de prendre en compte des
opinions et des intérêts forcément divergents - il travaille en effet pour
l'ensemble de la société - a l'occasion de montrer que, sur ce texte, il peut
y avoir concordance entre les préoccupations du Gouvernement et le souci de la
très grande majorité de la Haute Assemblée.
Il suffit, dans l'esprit d'ailleurs de ce que j'avais moi-même esquissé, de
reprendre au bond la proposition de notre collègue Hubert Haenel. Nous
pourrions ainsi aboutir au vote de ce texte de loi dans les formes souhaitées
par Mme la garde des sceaux d'ici à la fin de cette session.
Si telle est la volonté d'une majorité de sénateurs - et je ne doute pas que
la sagesse prévaudra au sein de tous les groupes - il y a là une issue qui
donnera satisfaction à toutes les parties en présence.
Si tel n'était pas le cas, je considérerais alors que chacun n'aurait pas fait
les pas nécessaires, que des arrière-pensées auraient prévalu sur des
objectifs avoués et légitimes et que le Sénat tout entier aurait perdu une
occasion de montrer à la nation qu'il est une grande et sage assemblée.
M. le président. Sur l'article 1er, je suis saisi de deux amendements,
déposés par le Gouvernement.
L'amendement n° 1 tend, au début du second alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour remplacer par deux alinéas le troisième alinéa de
l'article 121-3 du code pénal, à remplacer les mots : « Toutefois, dans le
cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas
causé directement le dommage, mais qui ont créé la situation qui en est à
l'origine ou n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, ne sont
responsables pénalement que s'il est établi » par les mots : « Dans le cas
prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé
directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation
qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures
permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi ».
L'amendement n° 2 vise, à la fin du second alinéa du texte présenté par
l'article 1er pour remplacer par deux alinéas le troisième alinéa de
l'article 121-3 du code pénal, à remplacer les mots : « soit commis une faute
d'une exceptionnelle gravité exposant autrui à un danger qu'elles ne pouvaient
ignorer. » par les mots : « soit commis une faute caractérisée en ce qu'elle
exposait autrui à un risque d'une particulière gravité que ces personnes ne
pouvaient ignorer. »
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre ces deux amendements.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. J'ai déjà commenté ces deux
amendements lors de mon intervention dans la discussion générale.
L'amendement n° 1, qui vise à modifier le début du nouveau quatrième alinéa
de l'article 121-3 du code pénal précisant les fautes d'imprudence exigées en
cas de causalité indirecte, poursuit trois objectifs.
Tout d'abord, il tend à montrer clairement que la responsabilité pénale des
auteurs indirects des dommages n'est pas subsidiaire et qu'il n'existe pas une
hiérarchie des causes, en supprimant l'adverbe « toutefois » et en rédigeant
la phrase de ce quatrième alinéa non pas sous une forme négative, mais sous
une forme affirmative, comme l'alinéa précédent, qui concerne les hypothèses
de causalité directe.
En effet, comme je l'ai déjà indiqué, la cause déterminante d'un dommage
peut, dans certains cas, être la cause indirecte et non la cause directe de
celui-ci. Si, par exemple, un automobiliste brûlant un feu rouge déséquilibre
un cycliste qui est alors écrasé par une autre voiture qui le suivait, la
cause déterminante, même si elle est indirecte, de la mort ou des blessures du
cycliste est le comportement du premier automobiliste et non pas celui du second
conducteur, qui n'a d'ailleurs peut-être commis aucune faute, s'il lui était
impossible d'éviter la victime.
Par ailleurs, l'amendement n° 1 vise à lever une première ambiguïté quant
à l'hypothèse de l'auteur indirect qui a créé la situation à l'origine du
dommage, afin d'éviter de donner l'impression que le texte exige une faute
unique mais empêche de retenir plusieurs auteurs indirects ayant chacun
contribué à créer cette situation.
Je propose ainsi de faire référence à ceux qui ont créé ou contribué à
créer la situation et non pas simplement à ceux qui ont créé la situation.
Là aussi, laissez-moi vous donner un exemple : un accident du travail peut
être la résultante indirecte des fautes commises par plusieurs personnes, par
exemple le maître d'ouvrage, le maître d'oeuvre, les entreprises
sous-traitantes, etc. La responsabilité pénale de ces différents acteurs,
même indirecte, doit pouvoir être recherchée et, le cas échéant, engagée.
Enfin, cet amendement lève une deuxième ambiguïté du texte qui peut laisser
penser qu'il se limite aux seules personnes qui ont créé la situation
originelle dont est ensuite résulté le dommage, mais qu'il interdit de
sanctionner ceux qui ont permis le maintien, voire l'amplification d'une
situation à risques préexistante. Il fait ainsi référence non à la
situation à l'origine du dommage, mais à la situation qui a permis la
réalisation du dommage.
Permettez-moi de vous donner un dernier exemple : la tempête de l'année
dernière a causé d'immenses dommages dans nos forêts, rendant pendant un
certain temps celles-ci particulièrement dangereuses pour les promeneurs. Si
des enseignants organisent néanmoins une sortie scolaire dans les bois dans de
telles conditions et qu'un enfant est blessé par la chute d'un arbre, va-t-on
considérer que la situation à l'origine indirecte de cet accident est la
tempête et non la décision d'amener les enfants dans un lieu pourtant
dangereux ? Bien sûr que non ! Il ne faut évidemment pas laisser penser que,
dans un tel cas, la responsabilité indirecte des accompagnateurs ne pourrait
pas être recherchée.
Cet amendement procède ainsi à une utile clarification du texte qui évitera
des interprétations divergentes et contraires à l'objectif recherché par le
législateur.
Je vous demande donc de l'adopter.
Quant à l'amendement n° 2, il tend à proposer une définition plus précise
et moins ambiguë de la faute caractérisée susceptible, avec la violation
manifestement délibérée d'une obligation de sécurité, de constituer la
faute pénale exigée par le nouveau texte en cas de causalité indirecte.
Il n'est en effet pas possible de conserver une rédaction qui laisserait
croire, même à tort, que la responsabilité pénale en cas de causalité
indirecte ne pourra être engagée que dans des hypothèses si exceptionnelles
qu'il en résulterait dans de nombreux cas des impunités choquantes.
Il convient ainsi de définir le contenu de cette faute, en indiquant qu'il doit
s'agir d'une faute caractérisée, en ce qu'elle expose autrui à un risque
d'une particulière gravité que l'on ne pouvait ignorer.
Comme je l'ai déjà indiqué dans mon intervention liminaire, cette définition
présente, en premier lieu, l'avantage de ne plus retenir l'expression : «
faute d'une exceptionnelle gravité », qui est à l'évidence excessive. Ce que
recherche le Parlement, c'est que la faute soit particulièrement grave - c'est
ainsi que le texte me semble devoir être interprété -, et non que la
responsabilité d'un auteur indirect devienne une exception par rapport à un
principe.
Cette définition ne me paraît pas remettre en cause le fond du texte en ce
qu'il exige deux éléments, comme le rappellent d'ailleurs très bien votre
commission des lois et M. Fauchon, à la page 13 du rapport écrit. Il faut,
d'une part - c'est évidemment essentiel - démontrer que l'auteur de la faute
ne pouvait ignorer l'existence du danger ; il faut, d'autre part, démontrer que
la faute commise était particulièrement grave.
Mais, si l'on s'interroge un moment, si l'on approfondit la réflexion, si l'on
regarde les exemples de fautes inexcusables reconnus en droit du travail par la
jurisprudence et dont le concept est à l'origine de cette partie du texte, que
constate-t-on ? La gravité de la faute découle, en réalité, de la gravité
du risque auquel cette faute exposait un tiers. Ce n'est pas la gravité du
dommage qui doit être prise en compte, car il ne se produit qu'après la
commission de la faute et que, par chance, il aurait même pu ne pas se produire
; ce qui compte, c'est la gravité du risque, qui, par définition, préexiste
à la faute et qui pouvait donc être connu.
Plutôt, donc, que de parler d'une « faute d'une particulière gravité », il
convient de faire référence à un « risque d'une particulière gravité ».
Cet amendement clarifie ainsi grandement une question complexe. Il évitera, sur
un sujet sensible, des interrogations jurisprudentielles susceptibles de se
prolonger un certain temps, ce qui serait évidemment regrettable.
Je vous demande donc de l'adopter.
Enfin, monsieur le président, le Gouvernement demande la réserve du vote sur
les articles 1er, 1er bis, 1erter, 3 bis, 3 ter, 6,
7 bis, 7 ter, 7 quater, 7 quinquies et 7 sexies, et
il souhaite que le Sénat se prononce par un seul vote, conformément à
l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, sur l'ensemble des articles
réservés, dans le texte de la commission modifié par les amendements n°s 1,
2 et 3.
2061b M. Jacques Larché, président de la commission. Je demande la
parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché, président de la commission. Monsieur le président,
je demande, au nom de la commission, une brève suspension de séance.
M. le président. Le Sénat va, bien entendu, accéder à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures
quarante.)
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