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note : ce texte a été établi par les services de communication du ministère

LE RAPPORT DU PROFESSEUR GOT SUR LA GESTION DU RISQUE ET DES PROBLEMES DE SANTE PUBLIQUE POSES PAR L'AMIANTE EN FRANCE

JUILLET 1998


Contexte

Par lettre de mission du 24 décembre 1997, Martine Aubry, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité et Bernard Kouchner, Secrétaire d’Etat à la Santé ont confié à Mr le Professeur Got une mission sur l'ensemble des questions posées aux pouvoirs publics par l'amiante. Cette mission devait s'articuler autour de plusieurs points :

- évaluer le degré d'adaptation des mesures législatives et réglementaires à l'évolution des connaissances scientifiques ;

- dresser un inventaire des difficultés concrètes rencontrées par l'application des textes réglementaires en vigueur ;

- remettre des propositions concrètes aux pouvoirs publics en matière de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie et de meilleure articulation des actions conduites par les différentes administrations ;

- mener la mission dans un souci de transparence et améliorer l'ïnformation et la sensibilisation du public et des acteurs concernés au travers, notamment, de l'utilisation du site intemet du ministère de l'emploi et de la solidarité.

Les principaux constats

Après avoir entendu environ 200 personnes, lu les différents. rapports produits sur le sujet, analysé la réglementation et le fonctionnement du dispositif, le Pr. Got identifie quatre problèmes majeurs :

- si la réglementation mise en place en 1996 est de qualité et répond à un véritable objectif de sécurité sanitaire, le dispositif de contrôle du risque lié à l'amiante est incomplet (faiblesse opérationnelle) ;

- la réglementation comporte des lacunes qui contribuent à l’insuffisance de l'évaluation (insuffisance des déclarations et des contrôles) ;

- le passage de la connaissance à la prévention n'est pas suffisamment assuré (prise de conscience insuffisante des personnes concernées) - le système de reconnaissance et d’indemnisation des maladies professionnelles liées à l'amiante fonctionne mal.

Les professionnels exposés à l'amiante

Pour le Pr.GOT, "l'exposition à l'amiante ne peut être considérée comme un risque homogène dans le temps" et il identifie "cinq groupes différents" au cours des 40 dernières années".

1. Les personnels impliqués dans la manufacture de produits contenant de l'amiante
avant 1977 (date de la valeur limitée d'empoussièrement en milieu professionnel)
(risque maximum).

2. Les personnels impliqués dans la manipulation de l'amiante (flocage qui a pris fin en
1978). (Risque très élevé).

3. Les personnels des entreprises d'enlèvement de l'amiante, pour lesquels la réglementation de 1996, si elle est correctement appliquée, permet de prévenir le risque.

4. Les travailleurs du bâtiments (électriciens, plombiers, ...) susceptibles d’intervenir
sur des matériaux contenant de l'amiante. Ce groupe est exposé à un risque beaucoup
plus faible, mais les effectifs sont "100 fois plus important (1,4 million de
personnes). Or, c'est ce groupe dans lequel survient la majorité des pathologies
tumorales produites par l'amiante.

5 - Le public pour lequel la pollution, "environnementale" peut être maîtrisée par une application correcte des réglementations de 1996.

Principales propositions

1. Le Professeur GOT met l'accent sur I'importance de la maîtrise effective de l'évaluation du risque. L'amélioration du système de repérage de l'amiante dans les bâtiments doit ainsi permettre de mieux assurer la protection des personnes réalisant des travaux, pour leur propre compte ou dans le cadre de leur activité professionnelle.

Dans cet objectif, les ministres ont indiqué leur souhait de mettre en oeuvre différentes dispositions comme la recherche obligatoire de l'amiante avant une opération de démolition ou de réhabilitation importante; la mise à disposition pour tous les intervenants de l'information complète sur la présence d'amiante dans un bâtiment; l'élaboration de " plans de gestion des immeubles" dans ceux où la présence d'amiante a été identifiée.

Les modifications des décrets de 1996 nécessaires seront prises d'ici le début de l'année 1999, après examen par la commission interministérielle pour la prévention et la protection contre les risques liés à l'amiante.

2. Le rapport de Claude Got préconise une amélioration substantielle de l'organisation de la médecine du travail en France. Il relève d'ailleurs que la France est l'un des pays industrialisés où le nombre de médecins du travail rapporté au nombre de salariés est parmi les plus élevés. Il en résulte qu'il ne s'agit pas d'un problème numérique , mais bien d'une insuffisance d'organisation et de clarification des missions.

C'est pourquoi des premières orientations ont été présentées le 3 juillet dernier lors du conseil supérieur de prévention des risques professionnels. Un plan d'action doit être défini, en concertation avec les partenaires sociaux au cours du 4ème trimestre 1998.

3. Des propositions du rapport visent à simplifier les mécanismes de reconnaissance des maladies professionnelles.

Cette réforme est déjà engagée et les mesures essentiellement réglementaires, mais parfois législatives, seront soumises à concertation à la rentrée pour être prises dans les prochains mois. Cette simplification conduira notamment à :

-supprimer les procédures spécifiques aux pneumoconioses, ainsi que certaines conditions restrictives dans la définition des affections imputables à l'amiante et l'adaptation du barème d'invalidité ;

-redéfinir les délais de prescription opposable,

4. Enfin, des propositions destinées à mieux prendre en compte les dommages liés à des expositions passées sont faites par le Professeur GOT :

- la réouverture des dossiers des victimes de l'amiante dont les demandes de reconnaissance au titr-- des maladies professionnelles ont été rejetées au cours des dernières années. Il s'agirait de leur permettre de bénéficier des nouvelles procédures ;

- la possibilité d'une cessation d'activité anticipée pour les personnes les plus -exposées au cours de leur activité professionnelle (manufacture d'amiante, flocage).

La mise en oeuvre de ces deux propositions nécessite une expertise approfondie, ainsi qu'une négociation avec les partenaires sociaux qui sera engagée au cours du 4ème trimestre de cette année.

 

SÉCURITÉ SANITAIRE DES BÂTIMENTS ET DES TRAVAILLEURS

Compte tenu de la diffusion de l'amiante, les questions posées par la prévention des risques découlant de l'inhalation de fibres d'amiante demeurent, puisque, aujourd'hui encore, des personnes sont susceptibles d'être en contact avec l'amiante dans leur vie quotidienne, mais surtout dans l'exercice de leur activité professionnelle, en particulier les travailleurs du bâtiment.

C'est à ce titre qu'en 1996 des textes réglementaires ont été pris concernant les bâtiments où ce matériau est présent.

Le Professeur GOT indique que : "la réglementation mise en place, en 1996 est de qualité, parfois la plus favorable à la sécurité sanitaire parmi les pays industrialisés", il identifie néanmoins trois problèmes principaux qui lui apparaissent devoir être améliorés

1 - Un meilleur pilotage et une coordination permettant un suivi, une évaluation et un contrôle efficace du risque lié à l'amiante.

2 - Une réglementation qui n'est pas suffisamment précise, ou incomplète, notamment sur le recueil d'information précise sur les bâtiments où la présence d'amiante a été identifiée, notamment à des fins de contrôles.

3 - Une meilleure information des travailleurs susceptibles d'intervenir dans un bâtiment potentiellement dangereux.

En effet, le Professeur GOT met en évidence la diversité des expositions à l'amiante et l'évolution actuelle-, du problème de santé publique.

Il nous confirme que si les expositions les plus fortes à l'amiante ont aujourd'hui cessé, il persiste un risque faible, mais qui concerne potentiellement un nombre beaucoup plus important de personnes travaillant sur des immeubles où l'amiante est encore présent.

Ainsi, deux catégories de travailleurs sont aujourd'hui principalement concernées

- les personnels des entreprises spécialisées d'enlèvement de l'amiante,

- les professionnels du bâtiment, de l'entretien et de la maintenance confrontés à un risque d'exposition ponctuelle à l'amiante;

Pour les premiers, l'enjeu est principalement le respect de la réglementation protectrice particulière mise en place. Le rapport du Professeur GOT confirme que, pour les travailleurs concernés, le risque sera écarté si la réglementation est correctement appliquée. C'est la raison pour laquelle la mobilisation de l'ensemble des services de prévention et de contrôle est nécessaire. L'intervention de l'inspection du travail dans ce domaine figure et continuera à figurer au rang, des actions prioritaires de celle-ci.

Pour les seconds, le risque est beaucoup plus faible, mais le rapport souligne que les effectifs sont cent fois plus importants ; aujourd'hui, le nombre de mésothéliomes dans cette population est ainsi supérieur à celui des travailleurs de la production de l'amiante. Le dispositif réglementaire aujourd'hui mis en place en matière de prévention des risques professionnels n’appelle pas de modifications en profondeur. En revanche, les employeurs et les salariés concernés doivent être mieux informés et sensibilisés sur la présence et les risques de l'amiante présente dans les bâtiments.

A cet égard, le Professeur GOT met l'accent sur l'enjeu que constitue la maîtrise affective de l'évaluation du risque. L'amélioration du système de reconnaissance d'amiante dans les bâtiments doit ainsi permettre de mieux assurer la protection des personnes réalisant des travaux, pour leur propre compte ou dans le cadre de leur activité professionnelle.

Nous retenons à cet égard la proposition d'une recherche obligatoire de l'amiante, quelle qu'en soit la forme, avant une opération de démolition ou de réhabilitation importante qui est de nature à faciliter la mise en oeuvre de la prévention nécessaire pour les travailleurs comme pour la population ;

La mise à disposition de tout intervenant de l'information complète sur la présence d'amiante dans un bâtiment, l'élaboration de plans de gestion des immeubles, sont des dispositions qui sont en discussion avec les autres départements ministériels et qui apparaissent des dispositions utiles.

Ces différentes dispositions

- amélioration de la qualité du repérage de l'amiante dans les bâtiments,

- déclaration obligatoire de la présence d'amiante dans chaque bâtiment, afin de disposer d'un registre permettant d'assurer un suivi effectif du risque et de contrôle des mesures prises,

- repérage exhaustif en cas de démolition ou de réhabilitation importante,

- mise en place d'un plan de gestion dans les bâtiments où la présence d'amiante a été identifiée,

- amélioration de la mise à disposition de ces informations, notamment pour les professionnels du bâtiment ou de la maintenance susceptibles d'intervenir,

vont demander une modification des textes réglementaires et notamment du décret du 7 Février 1996.

Nous sommes également favorables à ce que la base de données EVALUTIL puisse être accessible aux professionnels. Cette base de données indique pour une activité données, le niveau d'empoussièrement auquel le travailleur est susceptible d'être exposé. Elle a été réalisée à la demande du ministère et de la CNAMTS. Sa validation est en cours. Les résultats seront disponibles au mois de septembre prochain et sa diffusion programmée dès l'année prochaine.

Cependant, et comme le propose le Professeur Claude GOT, afin que ces modifications puissent être définitives, il est nécessaire d'engager, sur la base de ce rapport, une concertation avec les autres départements ministériels et les professionnels concernés. L'objectif est de modifier des textes réglementaires au plus tard au début de l'année prochaine.

Par ailleurs, même si la Direction Générale de la Santé et la Directions des Relations du Travail ont jusqu'à ce jour étroitement collaboré sur cette question, il apparaît nécessaire de renforcer, sur la base d'une mission conjointe, la capacité de gestion et du suivi administratif. Il nous apparaît en effet indispensable de développer les actions à mener en matière d'analyse complémentaire des risques d'exposition, d'information et de formation des professionnels et d'organiser les contrôles nécessaires pour veiller à la bonne application des dispositions réglementaires.

 

LES PROJETS DE MODIFICATION DE LA REGLEMENTATION EN MATIERE DE MALADIES PROFESSIONNELLES

La mise en oeuvre de nouvelles mesures, actuellement en préparation, permettra d'améliorer les conditions de reconnaissance et de réparation des maladies professionnelles en général et des pneumoconioses en particulier.


Premier Objectif : Encadrer dans des délais raisonnables la réponse des
caisses à une demande de reconnaissance et de réparation des maladies professionnelles

Lorsqu'une caisse entend contester le caractère professionnel d'une maladie, elle doit en informer par écrit la victime et l'employeur dans un délai de 60 jours. A défaut de contestation dans ces délais, le caractère professionnel de la maladie ou de l'accident est considéré comme établi.

Les caisses utilisent quasi systématiquement cette possibilité de contestation préalable. Dès lors, elles ne sont plus tenues par aucun délai. Cette possibilité de contestation préalable est ur,.e des principales causes de la lenteur d'instruction des dossiers.

Mesure annoncée : il est décidé de revoir le principe même de la contestation préalable : la caisse se verra fixer un délai limité (3 mois), éventuellement renouvelable en. cas de difficultés particulières, pour mener son travail d'expertise. Le texte réglementaire portant modification de l'article R 441-10 du code de la sécurité sociale est prêt; il sera soumis dès que possible à la CNAMTS.

Deuxième objectif : officialiser le barème d'invalidité des maladies professionnelles et l'actualiser

En cas d'incapacité permanente, la victime a droit à une rente viagère. La rente est calculée en fonction du salaire antérieur et du taux d'incapacité permanente. Ce taux est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge de la victime..., compte tenu d’un barème d'invalidité. Mais ce barème est facultatif : il n'est donc pas opposable aux caisses par les victimes et trop souvent il n'en est pas fait application.

Mesure annoncée : il est prévu d'officialiser ce barème, par un texte réglementaire, pour le rendre opposable, et mettre son actualisation à l'étude, après saisine, dans les prochains jours, du Haut Comité Médical de la Sécurité Sociale.

Troisième objectif : redéfinir les délais de prescription des droits de la victime

La prescription qui éteint les droits de la victime (ou de ses ayants droit) aux prestations et indemnités de la branche accident du 'travail et maladies professionnelles est actuellement de deux ans à compter de la date de première constatation de la maladie. Passé ce délai, la victime re peut plus être prise en charge au titre des maladies professionnelles.

Pour des maladies dont le délai de latence est important ou dont l'étiologie est complexe, ce délai de 2 ans est fréquemment dépassé. Par ailleurs, les malades sont souvent trop tardivement informés de l'origine professionnelle de leur maladie.

Mesure annoncée : Afin de ne plus pénaliser les patients, la date retenue sera celle de la première constatation du caractère professionnel de la maladie et non plus la date de la première constatation médicale. Une modification législative de L.461-1 du code de la sécurité sociale sera proposée à cette fin.

Quatrième objectif : offrir une meilleure réparation des pneumoconioses

La réparation des pneumoconioses est soumise à une réglementation dérogatoire au régime de droit commun des maladies professionnelles. Seules les manifestations les plus sévères des pneumoconioses sont indemnisées par la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Dans les autres cas, l'indemnisation est celle, moins avantageuse, de l'assurance maladie. Les malades sont, en outre, soumis à un collège de trois médecins différent des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles auxquels sont soumises les demandes concernant toutes les autres maladies professionnelles

Mesures annoncées : suppression du régime dérogatoire actuellement en vigueur pour les pneumoconioses :

- suppression des Collèges des trois médecins, - suppression des règles dérogatoires au droit commun (suppression ou modification des articles D-461-5 à D 461-24 du code de la sécurité sociale qui comportent notamment des exigences spécifiques à la réparation des pneumoconioses)

- modifications des durées d'exposition au risque actuellement exigées pour la reconnaissance de la maladie au titre des maladies professionnelles.

les textes réglementaires sont prêts et seront soumis à la CNAMTS ; les modifications des tableaux de maladies professionnelles qui en résulteront seront soumis pour avis à la commission spécialisée du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.

Cinquième objectif : expertise pour une meilleure prise en compte les situations individuelles

Une expertise sera engagée sur la réouverture des dossiers des victimes de l'amiante dont les demandes de reconnaissance au titre des maladies professionnelles ont été rejetées au cours des dernières années. Il s'agirait de leur permettre de bénéficier des nouvelles procédures.

Il est également décidé d'expertiser la possibilité pour les personnes qui ont travaillé directement dans les entreprises de manufacturation de l'amiante ainsi que pour celles dont l'exposition à l'amiante est à l'origine d'une maladie professionnelle, de bénéficier d'une cessation anticipée d'activité. Cette expertise complémentaire sera confiée à l'IGAS avant d'engager une concertation approfondie avec les interlocuteurs du ministère sur ce sujet.

 

AUTRES DISPOSITIONS PREVUES

- améliorer l'appareil statistique de la CNAMTS ;

- mise en commun des compétences des médecins traitants, des médecins de sécurité sociale et de l'inspection du travail afin de coordonner la prévention des maladies professionnelles ;

- renforcement du rôle des 6 000 médecins du travail pour identifier très vite ces maladies dans les secteurs à risque ;

- rappel aux employeurs de l' obligation légale qui leur est faite de déclarer à la sécurité sociale et à l'inspection du travail les procédés susceptibles de provoquer ces maladies.