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Paris, le 11 mai 2000

 

Délits non-intentionnels : la position de l’AFH

L’Association française des hémophiles proteste vigoureusement contre le texte de loi actuellement en seconde lecture et concernant les délits non-intentionnels.

Cette loi qui doit être votée définitivement au Sénat le 30 mai prochain vise clairement à mettre fin aux poursuites contre les conseillers des ministres et le personnel administratif de la santé mis en examen dans l’affaire du sang contaminé, ôtant ainsi définitivement à la Justice la possibilité d’examiner les faits. Cette amnistie est inacceptable et déloyale pour les victimes du sang contaminé, mais également pour celles d’autres scandales de santé publique tels que l’amiante, l’hormone de croissance, etc. dont le déroulement et les responsabilités n’ont pas encore été examinés.

Outre les scandales et catastrophes passés, cette loi créerait un précédent dangereux en protégeant ceux qui par négligence ou imprudence ne mettront pas en œuvre les moyens de protéger la vie d’autrui.

La présentation de ce texte a été malhonnête 

L’argumentation des instigateurs de ce texte s’est construite tout entière sur la nécessité de protéger les élus locaux abusivement mis en examen pour des accidents sur lesquels ils n’avaient aucune prise. Or, on s’aperçoit que les plaintes contre les élus locaux sont rarissimes (une cinquantaine depuis 5 ans pour 500 000 élus) et les condamnations franchement exceptionnelles (une douzaine en 5 ans). En revanche, la modification substantielle de la responsabilité pénale des décideurs, y compris au plus haut niveau politique et administratif, a été systématiquement minimisée et euphémisée. Or, c’est bien à l’échelon national, au sein des administrations centrales et des ministères que les grands drames de sécurité sanitaire peuvent se nouer ou, au contraire, parfois être parfois évités.

L’imprudence et la négligence exonérées

Ce texte vise à restreindre au maximum la possibilité de mises en examen au cours d’une instruction. Le texte précise en effet qu’il faudra une « violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement » ou « une faute d’une exceptionnelle gravité exposant autrui à un danger que l’intéressé ne pouvait ignorer ».

Les limites du recours aux tribunaux civils

Les instigateurs de la loi prétendent que ce texte en interdisant la voie pénale permettrait néanmoins aux victimes d’obtenir réparation en recourant à la juridiction civile. Or, c’est ignorer que dans ce type de procédures les frais de recherche, d’enquêtes, d’expertises, etc. qui sont souvent considérables sont entièrement à la charge de la victime. Autant dire que nombre de victimes renonceront de ce fait à une légitime réparation.

Des notions juridiques confuses

Par ailleurs, le texte de loi est ambigu concernant la distinction qu’il opère entre causalité directe et indirecte. Une application possible et moralement très contestable consisterait à faire porter l’ensemble des responsabilités sur les « lampistes », à savoir les personnes étant intervenues à la fin d’un processus qu’elles n’ont jamais maîtrisé en épargnant en revanche les décideurs dont l’action se situe plus en amont.

Ce que nous voulons

Il ne s’agit aucunement pour les citoyens que nous sommes d’exiger un risque zéro (dont nous savons parfaitement qu’il est impossible) ou de faire porter sur un bouc émissaire la responsabilité d’accidents lorsqu’ils sont inévitables. Nous demandons en revanche que, face à des risques de santé publique dont l’impact va grandissant, soient mis en place des instances de contrôle et de décision qui permettent de mieux connaître et prévenir les risques. Pour cela, il est indispensable que les missions, les pouvoirs et les responsabilités des décisionnaires soient clairement définis. Il en va du bon fonctionnement de la prévention et de la posture de précaution dont se prévalent de plus en plus les gouvernements qui se succèdent.

Par conséquent, nous demandons que le vote de ce texte soit suspendu afin qu’une étude approfondie soit menée par des juristes et des scientifiques (notamment des épidémiologistes) en concertation avec les associations de victimes et d’élus locaux.

 

 

Edmond-Luc Henry

Président de l’AFH