AFT
Accueil ] Remonter ] LCVR ] FNATH ] FENVAC ] [ AFT ] AFH ] Génération glisse Protection ]

 

ASSOCIATION FRANCAISE DES TRANSFUSES

12 rue de l’Abbé de l’Epée 75005 Paris

 

URGENT

à M.François Hollande

Premier Secrétaire du Parti Socialiste

Paris, le 5 mai 2000

Monsieur le Premier Secrétaire,

 

Le jour du vote par l’Assemblée Nationale de la proposition Fauchon sur les délits non intentionnels, notre association vous avait fait part de son indignation devant les graves conséquences de ce texte pour les victimes, et, en particulier, devant ce qui s’annonçait comme une amnistie anticipée dans l’affaire du sang contaminé.

Nous avons alors noté avec le plus grand intérêt que lors du vote, dans la soirée, l’opposition avait décidé de s’abstenir, estimant excessif le texte remanié par la Commission des Lois, et reconnaissant largement le bien fondé des craintes des victimes.

L’opposition avait alors annoncé qu’elle ne voterait ce texte au Sénat comme à l’Assemblée que si des amendements apaisaient ces craintes des victimes et protégeaient le principe de précaution.

Nous avons en revanche profondément déploré la position de la majorité et celle du gouvernement.

Les associations de victimes sont unanimes dans le refus total et la demande d’un abandon de ce texte :

qui instaure une justice à deux vitesse en faveur des hauts responsables, en particulier politiques, pénalisant les acteurs subalternes, dont les fautes, bien que « directes », ne sont souvent que les conséquences impuissantes des décisions des acteurs dits « indirects » ;

qui résulte d’un montage juridique de circonstance, les juristes consultés par le Parlement ayant, vainement, souligné que la distinction entre auteurs directs et indirects n’était pas pertinente en droit ;

qui ne peut s’articuler autour de la gravité de la faute, qu’elle soit « grave » ou qu’elle le soit « exceptionnellement », dans la mesure ceci entraînerait comme toujours une dizaine d’années d’approximations jurisprudentielles pour définir cette notion de gravité ;

qui serait rétroactive et amènerait les grands scandales sanitaires à faire les frais de ces approximations jurisprudentielles, par une amnistie anticipée, technique et déguisée : nous ne laisserons enterrer ni l’affaire du sang, ni celle de l’hormone de croissance ni les scandales des hépatites B et C, ni ceux de l’amiante ou de la Clinique du Sport ;

L’avenir du principe de précaution exige enfin que les décideurs qui, par négligence et imprudence, feront courir aux malades, consommateurs ou usagers des risques mortels, en privilégiant leurs intérêts sur ceux de la sécurité, n’échappent pas, en pratique, au code pénal.

Une loi qui porte atteinte à ce point au Code pénal ne peut être votée comme les deux chambres ont tenté de le faire : en catimini, en séance de nuit, à la sauvette, pour prendre les associations de victimes, les médias et l’opinion publique par surprise et les mettre devant le fait accompli, après avoir méprisé les avis des juristes concernés !

Elle doit avoir fait l’objet d’une large concertation avec les principales associations de victimes de scandales sanitaires ou d’usagers, dans la sérénité et la transparence, et reposer sur des notions incontestables.

Nos associations souhaitent participer à l’élaboration d’un nouveau texte de loi, réellement équilibré, après le retrait de la proposition Fauchon, dont l’adoption, même amendée, déshonorerait la classe politique.

Nos associations reconnaissent que des maires ou des préfets, par exemple, peuvent être l’objet de poursuites injustifiées pour des délits non intentionnels.

Ceci nous scandalise autant que vous, par des amalgames qui banalisent les infractions des responsables des principaux scandales sanitaires, en leur donnant abusivement le même chef d’accusation qu’un maire poursuivi pour des motifs ridicules.

Mais toutes nos associations refusent qu’une nouvelle loi d’amnistie soit votée à la hâte sous ce prétexte.

Si ceci devait être le cas, nous rappellerions aux Français, à chaque étape des instructions judiciaires des différents scandales de sécurité sanitaire ou d’accidents collectifs, les conséquences préméditées de cette loi d’auto-amnistie de la classe politique, et quels partis l’auront votée.

Au fur et à mesure de nouveaux scandales sanitaires ou accidents collectifs, nous montrerions dans les médias les liens de causalité entre ces nouveaux morts et l’irresponsabilité pénale préméditée par cette loi, en rappelant de nouveau quels partis l’auront votée.

Les associations, sanitaires ou d’accidents collectifs, se concerteraient alors pour boycotter partout lors des prochaines échéances législatives les parlementaires qui voteront le rétablissement d’une justice de caste et cette amnistie anticipée du sang contaminé.

Le gouvernement et sa majorité à l’Assemblée décideront du sort ultime de la proposition Fauchon.

Nous avons l’espoir que le gouvernement et sa majorité cessent enfin d’ignorer seuls les victimes et préfèrent abandonner un projet, maladroit et déjà discrédité dans l’opinion, pour préparer un nouveau texte, juste et équilibré.

Veuillez accepter, Monsieur le Premier Secrétaire, l’expression de mes sentiments distingués.

 

Olivier Duplessis

président de l’Association Française des Transfusés