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EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

(art. 121-3 du code pénal)

Nouvelle définition des délits non intentionnels

Cet article propose de modifier la définition générale des délits non intentionnels. A travers une nouvelle rédaction du troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, il intervient tant sur la faute elle-même que sur le lien de causalité qui l'unit au dommage : si ce lien est indirect, le Sénat suggère que la responsabilité pénale d'une personne physique ne puisse plus être engagée qu'en cas de « violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence ».

Comme le réaffirme une disposition nouvelle qu'il est proposé d'introduire dans le dispositif après le présent article, ces nouvelles règles n'affectent pas la possibilité pour les victimes d'obtenir réparation des dommages qu'elles subissent devant la juridiction civile. De plus, elles ne concernent que les personnes physiques : l'exigence d'une faute caractérisée en cas de lien indirect avec le dommage et en l'absence d'intention coupable ne s'applique pas à la responsabilité des personnes morales.

1. Les modifications apportées à la définition des délits non intentionnels indépendamment du lien entre la faute et le dommage

Les modifications les plus importantes apportées à l'article 121-3 du code pénal portent sur l'exigence d'une faute caractérisée en cas de lien indirect avec le dommage.

Toutefois, le Sénat a également souhaité modifier la première phrase du troisième alinéa de cet article, qui comporte des dispositions relatives à l'ensemble des délits non intentionnels, indépendamment du lien entre la faute et le dommage, de façon à harmoniser différentes formulations utilisées dans le code pénal, le code général des collectivités territoriales et le statut général de la fonction publique.

a) « Le » règlement

Il est proposé, en premier lieu, que le délit non intentionnel soit constitué, lorsque la loi le prévoit, en cas d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de sécurité prévue par la loi ou « le » règlement, et non plus « les » règlements.

Ce passage du pluriel au singulier permet de lever toute ambiguïté tenant à la différence de rédaction entre les articles 121-3 et 223-1 du code pénal : l'infraction de « risques causés à autrui » utilise déjà la formule de la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou « le » règlement.

Plus significativement, il s'agirait de revenir sur une interprétation jurisprudentielle extensive de la notion de règlement : utilisée au pluriel, elle désignerait non seulement les décrets et arrêtés pris par l'autorité administrative, mais également les circulaires et instructions ministérielles, les règles professionnelles et déontologiques non approuvées par l'autorité réglementaire, les règlements intérieurs des entreprises, etc...

Cette proposition figurait, d'ailleurs, dans le rapport sur la responsabilité pénale des décideurs publics remis, le 16 décembre 1999, à la garde des sceaux : « Cette forme plurielle pouvait être une source d'erreur d'appréciation et il serait opportun de lui substituer la forme singulière. Il conviendrait, en effet, d'exprimer en termes clairs et juridiquement précis que ne sont pas concernés les manquements au devoir de prudence ou de sécurité lorsque l'obligation n'est contenue que dans des documents dépourvus de valeur réglementaire, telles que des instructions ou des circulaires, mais que doivent être, en revanche, respectées les obligations édictées par des autorités détenant le pouvoir de prendre des règlements, tels le Président de la République, le Premier ministre (statuant par voie de décrets ou d'arrêtés), les ministres, les préfets ou les autorités exécutives ou délibérantes des collectivités locales » (18).

b) La charge de la preuve

En second lieu, la nouvelle rédaction de la première phrase du troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal prévoit qu'il n'y a délit non intentionnel que « s'il est établi » que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait, et non plus « sauf si l'auteur des faits a accompli... ».

Cette seconde modification tend à harmoniser la rédaction de l'article 121-3 du code pénal avec celle des articles de déclinaison insérés par la loi du 13 mai 1996 dans le code général des collectivités territoriales et dans la loi du 13 juillet 1983.

Sur le fond, elle aurait pour effet, selon le Sénat, d'inverser la charge de la preuve, qui incomberait désormais à l'accusation et non plus à la défense. Telle est également l'interprétation retenue par le groupe d'étude sur la responsabilité pénale des décideurs publics : « S'agissant du fardeau de la preuve, il apparaît que la formulation du troisième alinéa de l'article 121-3 du code pénal implique que la personne poursuivie fasse la démonstration de l'accomplissement de diligences normales, alors que les textes de « déclinaison » requièrent l'établissement, par la partie poursuivante, de la défaillance du prévenu dans l'accomplissement de ses diligences, compte tenu du contexte qui lui était propre. Le défaut de diligence dont il s'agit constituant un élément du délit, il convient de considérer que la preuve en incombe à l'accusation » (19).

En fait, la portée réelle de ce changement doit être relativisée. Si la rédaction de l'article 121-3, alinéa 3 (« sauf si l'auteur... »), pouvait donner à penser que ces dispositions constituaient une cause d'exonération dont la preuve incomberait à l'auteur, la Cour de cassation a écarté cette thèse en indiquant que, même dans cette hypothèse, « c'est à la partie poursuivante qu'il appartient de prouver un manque de diligences normales ». Les juges ne peuvent prononcer de condamnation sans avoir auparavant constaté que le prévenu n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences» (20). Cette interprétation jurisprudentielle amoindrit l'intérêt du changement proposé par le Sénat, dont on retiendra, néanmoins, la portée « esthétique ».

2. L'exigence d'une « violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence » en cas de « lien indirect » entre la faute et le dommage

Sous réserve des modifications précitées, il n'est pas proposé de toucher à la définition de la faute pénale non intentionnelle en cas de lien direct avec le dommage : une « poussière de faute » demeurera suffisante.

En revanche, « lorsque la faute a été la cause indirecte du dommage », le Sénat propose que les personnes physiques ne soient responsables pénalement qu'en cas de « violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence ».

Cette exigence supplémentaire, qui revient sur les théories jurisprudentielles, présentées dans l'exposé général du présent rapport, de « l'équivalence des conditions » et de « l'identité de la faute pénale d'imprudence et de la faute civile », conduit à s'interroger sur les notions de lien direct ou indirect, d'une part, et de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence, d'autre part.

a) La définition du lien indirect : un concept qui doit être précisé

La nécessité d'un lien de causalité certain entre la faute et le dommage est un principe important pour la qualification des délits non intentionnels. Cette exigence est rappelée avec constance par la Cour de cassation : ainsi, sa chambre criminelle a approuvé la mise hors de cause du maire de Furiani dans l'affaire de l'effondrement de la tribune du stade de la commune, « l'information n'ayant fait apparaître aucun lien de causalité même indirecte entre le comportement du maire et l'accident survenu » (Cass. crim., 2 mars 1994).

Pour autant, comme on l'a vu, les juridictions pénales ont une conception extensive de ce lien de causalité, dont il n'est pas exigé qu'il soit direct, immédiat ou exclusif. Bien que, parfois, la théorie de la causalité adéquate, en vertu de laquelle seules sont prises en compte les conditions qui ont été spécialement déterminantes du résultat, ait semblé prévaloir, celle de l'équivalence des conditions, qui veut que chacun des facteurs soit équivalent aux autres, domine la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment en matière d'homicides et de blessures involontaires. Dès lors, l'ensemble des fautes ayant participé à l'existence du dommage peut donner lieu à des poursuites pénales, à l'encontre de chacune des personnes dont le comportement a été jugé coupable.

Le Sénat propose, à travers le présent article, d'inscrire dans le droit positif la distinction entre la causalité directe et la causalité indirecte, de façon à caractériser de façon différente, dans un cas et dans l'autre, la faute pénale non intentionnelle.

Sur le fond, cette proposition rejoint l'orientation suggérée par le groupe d'étude sur la responsabilité pénale des décideurs publics. Cela étant, si la distinction entre le lien direct et le lien indirect peut sembler intellectuellement très claire, il sera parfois difficile, en pratique, de tracer une frontière nette entre ces deux types de situations. Il est ainsi significatif que, dans un arrêt (non définitif) rendu le 2 novembre 1999, le tribunal de grande instance de Brest ait considéré que le fait, de la part d'un maire, de n'avoir pas apposé de panneaux aux abords d'une falaise de laquelle un enfant a fait une chute mortelle, à vélo, au cours d'une sortie scolaire, constituait « une omission coupable en relation directe avec l'accident dans la mesure où un affichage des dangers aurait manifestement dissuadé les enseignants d'emprunter un tel itinéraire ».

Il est vrai que la notion de lien direct n'avait pas, jusqu'à présent, de conséquence juridique, et qu'il n'est pas forcément étonnant, dans ces conditions, qu'elle soit utilisée de façon peu précise par les juridictions répressives : dans l'arrêt précité, le juge pouvait vouloir indiquer, en évoquant un lien direct, que la causalité était certaine. Dès lors qu'une distinction très nette sera opérée dans la loi entre causalité directe et causalité indirecte, le lien sera sans doute apprécié de façon plus précise par les juridictions, sous le contrôle de la Cour de cassation.

Il convient, cependant, afin de limiter de possibles hésitations jurisprudentielles, d'être particulièrement précis quant à l'intention réelle du législateur, ce qui suppose, en premier lieu, de définir clairement la notion d'« auteur indirect ».

De ce point de vue, la définition proposée par le Conseil d'Etat dans son rapport sur « la responsabilité pénale des agents publics » apparaît pertinente : « celui qui n'a pas lui-même heurté ou frappé la victime mais qui a commis une faute ayant créé la situation à l'origine du dommage » (21). Ainsi, sur ce fondement, peuvent être considérés comme auteurs indirects, selon le Conseil d'Etat :

- le responsable d'un accident ayant provoqué chez la victime un traumatisme crânien grave à la suite duquel celle-ci s'est suicidée (Cass. crim., 14 janvier 1971) ;

- l'automobiliste qui, ayant garé son véhicule sur le trottoir, a obligé un piéton à descendre sur la chaussée où il a été renversé par un cyclomoteur (Cass. crim., 7 février 1973) ;

- le conducteur en état d'imprégnation alcoolique qui déséquilibre un cyclomotoriste, celui-ci se faisant écraser par un véhicule roulant à la suite (Cass. crim., 28 mars 1973) ;

- le gérant d'une SCI qui autorise la visite d'un immeuble en cours de construction sans s'être assuré que le chantier était correctement protégé, une personne ayant fait une chute mortelle dans la cage d'ascenseur (Cass. crim., 13 octobre 1980) ;

- le directeur d'usine ayant employé un ouvrier souffrant d'insuffisance respiratoire dans des ateliers empoussiérés (Cass. crim., 15 mars 1988).

Ce souci de précision justifierait que la définition exacte du lien indirect soit inscrite dans la loi. Mais il impose également de se demander si, en ne retenant que le concept de lien direct, le Sénat a effectivement répondu à l'ensemble des interrogations que les juges seront susceptibles de se poser au regard de la nouvelle loi. En effet, si le Conseil d'Etat établit, effectivement, dans le rapport précité, une distinction entre « l'auteur direct » et « l'auteur indirect » de l'infraction, il distingue également ce dernier de « l'auteur médiat ».

L'auteur médiat de l'infraction est « celui qui aurait pu et dû empêcher la survenance du dommage qu'il n'a pas réalisé lui-même mais qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'éviter ».

Sur ce fondement, le Conseil d'Etat observe que « c'est principalement en qualité d'auteurs médiats que les chefs d'entreprise, mais également les élus et les fonctionnaires d'autorité voient leur responsabilité pénale engagée des chefs d'homicide et de blessures involontaires » : condamnation d'un maire à la suite de l'incendie d'une salle de danse pour n'avoir pas fait respecter la réglementation relative à la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements publics (Cass. crim., 14 mars 1974), ou pour n'avoir pas ordonné la fermeture d'une piste de ski avant qu'une avalanche prévisible ne finisse par ensevelir deux skieurs (cour d'appel de Grenoble, 5 août 1992), d'un proviseur (et d'un intendant) à la suite du décès d'un élève causé par l'effondrement d'un panneau de basket pour n'avoir pas pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des personnes et des biens (tribunal correctionnel de Bobigny, 21 novembre 1994, mais relaxe du proviseur par la cour d'appel le 12 janvier 1996), ou, dans une affaire similaire, d'un adjoint au maire et d'un contremaître de Longjumeau après qu'un élève eut été mortellement blessé par la chute d'une cage métallique qui constituait le but qu'il gardait (Cass. crim., 26 septembre 1989), etc... (22). C'est également en tant qu'auteurs médiats qu'ont été condamnés la personne qui a confié une voiture à un individu ne possédant pas le permis de conduire (Cass. crim., 30 octobre 1958) ou le propriétaire d'une fendeuse rotative sans système de protection qui a accepté l'aide bénévole d'un tiers qui s'est blessé au bras avec l'engin (Cass. crim., 8 mars 1995).

Sans doute, l'auteur médiat est souvent, également, un auteur indirect, mais pour éviter toute ambiguïté et prévenir une éventuelle évolution jurisprudentielle, il conviendrait que les deux notions soient visées conjointement, et de façon précise, dans le nouvel article 121-3 du code pénal.

b) La condition de la responsabilité : une « violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence » qui apparaît trop restrictive

En cas de lien indirect (ou médiat) entre la faute et le dommage, le Sénat propose que ne puisse être engagée que la responsabilité pénale de celui qui a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de sécurité ou de prudence.

Ce choix, qui revient à exiger une faute caractérisée pour que le délit soit constitué, est pertinent, car cette formule s'inspire de la définition du délit de « risques causés à autrui », déjà présent dans le code pénal et qui a donc donné lieu à une large jurisprudence permettant de mieux l'appréhender.

L'obligation de sécurité ou de prudence méconnue doit être « particulière », et non pas générale, ce qui signifie qu'elle doit être définie avec précision en fonction de situations spécifiques. Ainsi, ont été considérées par la jurisprudence comme des obligations « générales » les dispositions du code de la route qui obligent les conducteurs à rester constamment maîtres de leur vitesse et à régler cette dernière en fonction de l'état de la chaussée et des difficultés de la circulation (article R.11-1), ou celles du code du travail qui prescrivent que les établissements et locaux doivent être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs (article L.233-1). A l'inverse, constituent des obligations « particulières » la limitation de la vitesse à 90 km/h sur les routes et à 130 km/h sur les autoroutes ou les règles précises propres aux diverses catégories de machines et d'équipements de travail et à leurs conditions d'emploi. La Cour de cassation a également approuvé une chambre d'accusation qui avait estimé que l'article L. 131-2-6° du code des communes, qui confie au maire le soin de prévenir et de faire cesser tous les événements survenant dans sa commune et de nature à compromettre la sécurité des personnes, ne crée pas à sa charge d'obligation particulière (Cass. crim., 25 juin 1996).

En revanche, à la différence de ce qui est prévu pour le délit de risques causés à autrui, le Sénat ne propose pas que cette obligation doive nécessairement être imposée par la loi ou le règlement. Autrement dit, comme l'a souligné la garde des sceaux, au Sénat, en séance, « une règle de prudence, « de bon sens », dont n'importe qui comprendrait qu'elle doit être respectée peut, en cas de violation manifestement délibérée, donner lieu à condamnation pénale » (23). Le souci du Sénat de viser toutes les formes d'imprudences manifestement délibérées est louable. Cela étant, il n'est pas de bonne méthode de laisser aux tribunaux le soin de définir ce que recouvre le « bon sens » dans l'esprit du législateur : la loi doit être précise et, en l'occurrence, seul le non respect d'obligations clairement identifiées, c'est-à-dire prévues par la loi ou le règlement, doit pouvoir être sanctionné.

Enfin, la violation de cette obligation doit être « manifestement délibérée », ce qui ne signifie pas que son auteur ait eu l'intention de créer un dommage, mais qu'il a violé volontairement la règle, en étant conscient des conséquences potentielles de son indiscipline. L'adjectif « manifestement » impose au juge de faire preuve d'une rigueur particulière quant à l'existence de l'élément moral du délit.

La jurisprudence permet d'appréhender ce qui sépare la simple imprudence de la violation « manifestement délibérée » d'une obligation de sécurité. Ainsi, ont été considérés comme des actes manifestement délibérés le fait, pour un conducteur, de s'être déporté à trois reprises sur la partie gauche de la chaussée lors du croisement de motocyclistes, provoquant la chute de l'un d'entre eux (Cass. crim., 12 novembre 1997), ou d'avoir effectué, à grande vitesse, une man_uvre connue sous le nom de « queue de poisson » (Cass. crim., 11 mars 1998). De même, la décision d'un commandant d'accepter 720 passagers à bord d'un navire prévu pour 600 passagers au plus, soit un excédent de l'ordre de 20%, ne pouvait qu'être délibérée (Cass. crim., 11 février 1998). La Cour de cassation a confirmé, enfin, la décision d'une cour d'appel déclarant des prévenus coupables du délit de risques causés à autrui, pour avoir provoqué une avalanche, à proximité d'un groupe de pisteurs, dans une station de sport d'hiver, en pratiquant le surf sur une piste interdite par un arrêté municipal, l'un des prévenus ayant récidivé deux jours plus tard, alors même que les services météorologiques signalaient un risque d'avalanche, que les intéressées étaient des pratiquants expérimentés, que la piste était barrée par une corde, qu'un conducteur du télésiège les avait mis en garde et qu'ils n'avaient pas une vue globale du site (Cass. crim., 9 mars 1999).

De manière générale, la jurisprudence fonde le « caractère manifestement délibéré » de l'infraction sur des indices objectifs : il en est ainsi quand une personne viole à plusieurs reprises une obligation de prudence ou de sécurité, ou qu'elle cumule des violations successives d'obligations de nature diverse. Des indices subjectifs peuvent également être retenus : ainsi, dans l'arrêt précité du 9 mars 1999, les juges du fond retiennent que les surfeurs étaient des « pratiquants expérimentés ».

Cela étant, il convient de se demander si le critère retenu par le Sénat n'est pas trop réducteur et, partant, le risque de « dépénalisation » excessif. On rappellera, à cet égard, que cette nouvelle définition s'appliquera également dans des domaines aussi sensibles que la sécurité routière, le droit de l'environnement, du travail et de la santé publique.

Le droit du travail offre, précisément, de nombreux exemples de fautes d'une exceptionnelle gravité qui ne sont pas pour autant « manifestement délibérées » :

- un chef de chantier (ayant délégation de pouvoir), chargé de superviser des travaux dans des locaux dangereux, oublie de prévenir des travailleurs remplaçants des précautions qu'ils doivent prendre : l'absence de masques respiratoires entraîne un accident mortel ;

- un chef de chantier omet de signaler à un grutier que certains contrepoids de sa grue ont été enlevés pour être placés sur une autre machine. Ignorant ces modifications, le grutier procède toutefois à des travaux que sa machine n'est plus en état d'effectuer et cause un accident mortel ;

- un transporteur de produits frais oublie d'indiquer au grossiste qu'un accident technique à arrêté momentanément la réfrigération de ses camions : les produits ne sont pas immédiatement réfrigérés, la chaîne du froid est rompue, les germes de la listériose se développent et empoisonnent plusieurs consommateurs.

Deux exemples récents, tirés de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, font également apparaître des fautes qui, jusqu'à présent, pouvaient faire l'objet d'une sanction pénale, alors qu'elles y échapperaient si le texte issu des travaux du Sénat devait être adopté :

- dans une entreprise papetière, un ouvrier se tue en changeant des rouleaux alors que la presse qu'ils alimentent tourne encore, au ralenti. Les juges condamnent le chef d'entreprise : « il n'existait ni dispositif de protection, ni panneaux signalant la zone dangereuse, ni dispositif d'éclairage permanent, ni bouton d'arrêt d'urgence » (Cass. crim., 8 septembre 1998) ;

- au cours d'un ravalement, un ouvrier tombe d'un toit rendu glissant par la pluie et se tue. Les juges condamnent le chef d'entreprise : aucun dispositif de sécurité individuel (harnais) ou collectif (rambarde ou garde-fou) n'était placé sur la voie d'accès aux échafaudages (le toit) alors que la réglementation le prévoyait (Cass. crim., 19 octobre 1999).

M. Serge Petit, conseiller référendaire à la Cour de cassation, a cité d'autres exemples révélateurs lors de son audition par la commission des lois du Sénat. Ainsi, la faute du chirurgien négligent qui omet de prévenir les membres de l'équipe de suivi postopératoire du risque de complications au réveil d'un patient, ce qui les conduit à commettre des erreurs, n'a qu'un lien indirect avec le dommage et ne résulte pas d'une volonté délibérée d'enfreindre les règles de sécurité. Il en va de même du chasseur qui abandonne négligemment son arme chargée près d'une école, un enfant s'en saisissant alors et tuant l'un de ses camarades, et plus généralement de tous les comportements manifestement « antisociaux » (24). Enfin, le maire qui ne prend aucune disposition pour renforcer la sécurité d'une aire de jeux dont le caractère dangereux lui a pourtant été expressément signalé, à la suite de quoi un accident mortel intervient, commet une faute extrêmement grave, mais qui n'est pas nécessairement délibérée.

Le souci du Sénat d'exclure du champ de la répression pénale l'ensemble des fautes non intentionnelles et indirectes, dès lors qu'aucune obligation de sécurité ou de prudence n'a été violée de façon manifestement délibérée, c'est-à-dire « en conscience », peut sembler cohérent par rapport aux principes originels de notre droit. Mais ce choix est aujourd'hui excessivement réducteur. Il s'agirait d'un retour en arrière trop radical par rapport à l'orientation voulue par le législateur, le juge et la société elle-même, qui ne comprendrait pas que certaines inobservations des règles de sécurité et de prudence particulièrement graves ne puissent plus faire l'objet de poursuites pénales. Cette opinion rejoint, d'ailleurs, indirectement, les conclusions du groupe d'étude sur la responsabilité pénale des décideurs publics, qui proposait, « afin de ne pas assurer une trop large impunité à ceux dont le comportement n'a eu qu'une influence causale secondaire, que seules seraient exclues de la répression des fautes de moindre gravité » (25).

Dès lors, la solution la plus satisfaisante pourrait être de retenir, conjointement, en cas de lien indirect avec le dommage, les violations d'une obligation de sécurité manifestement délibérées, d'une part, et d'une très grande gravité, d'autre part, en s'inspirant des conclusions du « rapport Massot », qui retenait, pour sa part, les comportements qui révèlent « une action ou une omission constitutive d'une faute grave ».

Il n'est pas certain, cependant, que le concept de gravité soit suffisamment fort pour exprimer, en l'occurrence, l'intention du législateur. Au demeurant, le juge pourrait être tenté d'apprécier cette condition au regard de l'ampleur des dommages causés, ce qui n'est pas souhaitable. Mais le droit positif offre des solutions intermédiaires : il distingue, en effet, entre la faute « intentionnelle » et la faute « lourde » ou « grave », la « faute inexcusable », dont il serait possible de s'inspirer pour définir une qualification adaptée à l'objectif recherché.

L'origine de la faute inexcusable réside dans la législation spéciale des accidents du travail (loi du 9 avril 1898) : elle peut permettre à la victime de prétendre à une indemnisation complémentaire lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de son employeur (article L. 452-1 du code de la sécurité sociale) ; a contrario, elle est de nature à entraîner une diminution de la rente dès lors que l'accident est dû à une faute inexcusable de la victime (article L. 453-1 du même code). Elle a été définie par la Cour de cassation comme « une faute d'une gravité exceptionnelle, dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l'absence de toute cause justificative et se distinguant, par le défaut d'un élément intentionnel, de la faute intentionnelle ».

D'autres législations spéciales ont eu recours, depuis, à la faute inexcusable :

- le droit des transports aériens : la convention de Varsovie du 12 octobre 1929 relative à l'unification de certaines règles afférentes au transport aérien international y fait référence, et l'article L. 321-4 du code de l'aviation la définit comme « la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable » ; ainsi, a été jugée inexcusable, dans une affaire d'accident d'ULM, la faute commise par un pilote professionnel, qui a installé la victime, inexpérimentée, sur le siège avant de l'appareil, dont il lui a confié les commandes, alors que lui même se trouvait sur le siège arrière (Cass. civ., 2 février 1999) ;

- la sécurité routière : l'article 3 de la loi n° 85-677 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation dispose que « les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident » ; la Cour de cassation, en s'inspirant de la définition de la faute inexcusable en droit du travail, la définit comme « la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » (Cass., 20 juillet 1987) ; en pratique, ont été considérées comme des fautes inexcusables le fait de traverser une autoroute pourtant protégée par des barrières de sécurité, ou une route, à la sortie d'un tunnel, sans visibilité et à proximité d'un passage aménagé pour les piétons : la victime ne pouvait pas ne pas avoir conscience du caractère périlleux de sa démarche et elle en a volontairement assumé le risque.

Au regard de ces exemples, il semble pertinent de retenir, comme étant de nature à engager la responsabilité pénale des auteurs indirects (ou médiats) d'un dommage, les violations d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement commises de façon manifestement délibérée, et les fautes inexcusables. Ce second qualificatif étant nouveau en droit pénal, il paraît également préférable que le législateur indique clairement le sens qu'il entend lui conférer en reprenant ses éléments constitutifs essentiels : une faute d'une exceptionnelle gravité exposant autrui à un danger que son auteur ne pouvait ignorer.

Ainsi, cette nouvelle définition des délits non intentionnels limitera les possibilités de mise en cause pénale des personnes dont la responsabilité n'est qu'indirecte et la faute secondaire. Dans le même temps, il restera possible de sanctionner les violations très graves et porteuses de risques des règles de sécurité, sans que leur auteur puisse s'abriter derrière le fait qu'il n'avait pas eu personnellement connaissance du problème. Les juges seront tenus d'apprécier les responsabilités de façon à la fois plus concrète et plus raisonnable, ce qui devrait permettre de rétablir un certain équilibre entre « punition » et « réparation », dans le respect des grands principes qui sous-tendent, depuis deux siècles, l'évolution de notre droit pénal.

En conséquence, la Commission a examiné un amendement du rapporteur reprenant cette nouvelle définition des délits non intentionnels. Celui-ci a indiqué qu'il s'agissait de l'apport essentiel de la proposition de loi et que sa rédaction avait fait l'objet d'une très large concertation et, finalement, semblait pouvoir réunir un certain consensus.

M. Philippe Houillon a approuvé cette rédaction et a indiqué qu'il voterait l'amendement proposé par le rapporteur. Il s'est néanmoins demandé si le fait de ne viser que « les personnes physiques qui n'ont pas causé elles-mêmes le dommage, mais qui ont créé la situation qui en est à l'origine », pour définir le lien indirect, ne risquait pas d'exclure toute possibilité de mise en cause en cas de pluralité de fautes. M. Jean-Antoine Léonetti a considéré que la proposition du rapporteur rejoignait ses propres préoccupations. M. Gérard Gouzes a salué la rédaction de cet amendement, qu'il a jugé très pertinente, et a considéré que même pour les délits non intentionnels, la faute devait comporter un élément volontaire.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 9) donnant à l'article premier une nouvelle rédaction et rendant ainsi sans objet trois amendements, que M. Jean-Antoine Léonetti a retirés, tendant à modifier la définition des délits non intentionnels proposée par le Sénat, ainsi que l'amendement n° 1 présenté par M. Gilbert Meyer proposant d'imposer aux juges de tenir compte « des difficultés inhérentes à l'exercice des missions ou fonctions » de toutes les personnes poursuivies pour des fautes non intentionnelles.

Elle a ensuite adopté l'article premier ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 1er

(art. 4-1 du code de procédure pénale)

Exercice d'une action devant les juridictions civiles

La Commission a adopté un premier amendement présenté par le rapporteur, tendant à prendre acte de la dissociation de la faute pénale non intentionnelle et de la faute civile et à rappeler qu'en toute hypothèse, les victimes ont la possibilité d'obtenir réparation devant les juridictions civiles (amendement n° 10).


(art. 470-1 du code de procédure pénale)

Disposition de coordination

La Commission a adopté un second amendement, également présenté par le rapporteur, apportant une coordination rendue nécessaire par la nouvelle définition des délits non intentionnels instituée à l'article 1er (amendement n° 11).

Articles 2 à 5

(art. 221-6, 222-19, 222-20, 322-5 du code pénal -
art. L. 232-2 du nouveau code rural et 331 du code rural)

Dispositions de coordination

Les articles 2, 3, 3 bis, 3 ter, 4 et 5 de la présente proposition de loi reportent sur différents articles du code pénal et du code rural relatifs à des délits non intentionnels les nouvelles définitions retenues à l'article 1er.

Ainsi, le Sénat propose, s'il y a lieu, de décliner le concept de « violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement », de procéder à différentes modifications à des fins d'harmonisation et de mise en cohérence, et d'insérer un renvoi explicite aux « conditions » et « distinctions » prévues à l'article 121-3 du code pénal, aux articles présentés ci-après :

- l'article 221-6 du code pénal relatif aux atteintes involontaires à la vie (article 2 de la proposition de loi) ;

- l'article 222-19 du code pénal relatif aux atteintes involontaires à l'intégrité des personnes ayant eu pour effet de causer à autrui une incapacité totale de travail de plus de trois mois (article 3) ;

- l'article L. 232-2 du nouveau code rural relatif au délit de pollution involontaire des eaux ayant causé la destruction du poisson ou nuit à sa nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire (article 3 bis) ;

- l'article 331 du code rural relatif au délit de transmission involontaire d'une épizootie (article 3 ter) ;

- l'article 222-20 du code pénal relatif aux atteintes involontaires à l'intégrité des personnes ayant eu pour effet de causer à autrui une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois (article 4) ;

- l'article 322-5 du code pénal relatif à la destruction, la dégradation ou la détérioration involontaire d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une explosion ou d'un incendie (article 5).

Comme le souligne M. Pierre Fauchon, dans son rapport écrit, « Dès lors que l'article 121-3, article général applicable pour tous les délits non intentionnels, est ainsi modifié, il devient en pratique moins opportun de modifier les articles 221-6 et 222-19 du code pénal » (26). Ce raisonnement vaut également pour les autres dispositions précitées.

De surcroît, cette démarche manque de cohérence dès lors qu'elle n'est pas menée jusqu'à son terme : ne sont pas visés, par exemple, certains délits non intentionnels, tels que les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques (articles 226-16 et 226-22 du code pénal) ou la divulgation d'un secret de la défense nationale (article 413-10 du code pénal).

On peut comprendre, néanmoins, le souci du Sénat de ne laisser subsister aucune ambiguïté quant à l'application des notions de lien direct et indirect et de faute aggravée aux délits d'homicide et de blessures involontaires, qui étaient d'ailleurs les seuls à être modifiés par la proposition de loi initiale de M. Pierre Fauchon. De même, les mesures d'harmonisation proposées aux articles 4 et 5 sont pertinentes. En revanche, les articles 3 bis et 3 ter, qui visent des incriminations infiniment moins poursuivies que l'homicide ou les blessures involontaires, semblent inutiles. La nouvelle rédaction de l'article 121-3 est d'application générale. Viser certaines incriminations comporte le risque d'en oublier.

La Commission a donc adopté les articles 2, 3, 4 et 5 sans modification. En revanche, elle a adopté deux amendements du rapporteur (amendements nos 12 et 13) supprimant les articles 3 bis et 3 ter.

Article 6

(art. 121-2 du code pénal)

Extension de la responsabilité pénale des personnes morales

Principale innovation du nouveau code pénal entrée en vigueur le 1er mars 1994, le principe de la responsabilité pénale des personnes morales est posé à l'article 121-2 de ce code, dont le premier alinéa dispose que les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, dans les cas prévus par la loi et le règlement, des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou leurs représentants.

a) Le champ d'application actuel de la responsabilité pénale des personnes morales

-  Les personnes morales concernées

La détermination des personnes morales responsables a constitué l'un des principaux sujets de discussion lors de l'élaboration du nouveau code pénal. La responsabilité de l'Etat a été écartée, car il est apparu difficile que ce dernier, qui détient le monopole des sanctions pénales, se condamne lui-même... en son propre nom.

Si toutes les personnes morales de droit public, à l'exception de l'Etat, sont pénalement responsables, le législateur a opéré une distinction entre les collectivités territoriales et leurs groupements, dont la responsabilité ne peut être engagée que pour certaines activités, et les autres personnes morales de droit public, établissements publics et groupements d'intérêts publics, pénalement responsables pour l'ensemble de leurs activités.

Le deuxième alinéa de l'article 121-2 précise en effet que la responsabilité des collectivités territoriales et de leurs groupements ne peuvent être mise en cause que pour des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.

Cette notion d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service publics, qui figure déjà dans diverses lois (loi du 6 février 1992 sur l'administration territoriale de la République, loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption), désigne les activités de service public qui peuvent être assurées en régie par la collectivité publique, mais peuvent aussi être déléguées sous la forme d'une concession, d'une régie intéressée, d'un affermage, d'un marché d'entreprise ou d'une gérance à une personne de droit public ou de droit privé. Cette définition permet d'exclure la responsabilité des collectivités territoriales pour les activités relevant de l'exercice de prérogatives de puissance publique, comme le maintien de l'ordre public ou la tenue des registres d'état civil. Elle fait néanmoins parfois l'objet d'une interprétation extensive, comme on l'a vu à propos de « l'affaire du Drac ».

La distinction opérée par le législateur a permis de tenir compte des objections formulées par le Conseil d'Etat, qui estimait que les personnes morales de droit public, « qui sont par nature, et quelle que soit leur activité, dépositaires d'une part de la puissance publique », « ne sauraient être placées sous le contrôle des juridictions répressives sans qu'il soit porté au principe de la séparation des pouvoirs une atteinte particulièrement grave », tout en évitant une rupture d'égalité entre les activités des personnes privées et des activités analogues exercées par les collectivités locales.

Il reste que la mise en cause de la responsabilité pénale des personnes morales de droit public est extrêmement rare. Si l'on reprend les chiffres cités par la circulaire du 26 janvier 1998, qui analyse les cent premières condamnations prononcées à l'encontre des personnes morales, seules six personnes morales de droit public ont été condamnées, dont quatre collectivités territoriales.

Comme le précise le dernier alinéa de l'article 121-2, la responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celles des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.

-  La nécessité d'une infraction commise pour le compte de la personne morale par ses organes ou ses représentants

La responsabilité de la personne morale ne peut être engagée que si l'infraction a été commise pour son compte, par ses organes ou ses représentants.

Elle suppose donc l'existence d'une infraction susceptible d'être reprochée à une personne physique. Les juridictions n'exigent pas, pour autant, que l'organe ou le représentant ait été déclaré coupable des faits reprochés à la personne morale (Grenoble 12 juin 1998).

La référence aux organes ou aux représentants de la personne morale a été interprétée de manière très large par la jurisprudence, qui semble admettre notamment qu'un simple salarié puisse engager la responsabilité de la personne morale (Epinal 4 mars 1997 - Angers 30 avril 1997).

Sont commis « pour le compte » de la personne morale les actes commis dans l'exercice d'activités ayant pour objet d'assurer l'organisation, le fonctionnement ou les objectifs de la personne morale : ainsi, une discrimination syndicale imputable à un directeur d'agence bancaire doit être jugée comme ayant été commise pour le compte de la banque (Bastia 3 juin 1997)

-  Les infractions susceptibles d'engager la responsabilité des personnes morales

Le législateur n'a pas souhaité que la responsabilité des personnes morales puisse être engagée pour l'ensemble des infractions et a donc retenu le principe de spécialité : la responsabilité de la personne morale ne peut être mise en cause que si elle est expressément prévue par le texte qui définit et réprime l'infraction, comme le prévoit le premier alinéa de l'article 121-2 qui limite cette responsabilité aux cas « prévus par la loi et le règlement ».

Les articles 221-7 et 222-21 du code pénal ont ainsi prévu la responsabilité des personnes morales pour les infractions d'homicide involontaire (article 221-6 du code pénal) et de blessures involontaires (article 222-19 et 222-20 du même code).

Malgré l'importance que la doctrine attache à la responsabilité des personnes morales pour ces deux types d'infractions non intentionnelles, il semble qu'en pratique celle-ci ait rarement été mise en jeu : sur les cent premières condamnations de personnes morales, seules dix-neuf concernaient des faits constitutifs de blessures involontaires et huit des homicides involontaires ; une seule collectivité territoriale figure parmi les personnes morales condamnées pour ces infractions.

-  Les sanctions encourues

L'article 131-39 énumère la liste des peines qui, outre l'amende, sont susceptibles d'être prononcées à l'encontre d'une personne morale : la dissolution, l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale, la fermeture de l'établissement ayant servi à commettre les faits incriminés, l'exclusion des marchés publics, l'interdiction de faire appel public à l'épargne, l'interdiction d'émettre des chèques, la confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit et l'affichage de la décision prononcée.

Pour d'évidentes raisons constitutionnelles, les peines de dissolution, d'interdiction d'exercice et de placement sous surveillance judiciaire ne sont pas applicables aux personnes morales de droit public, aux partis et groupements politiques et aux syndicats professionnels.

Malgré le large éventail des peines prévues, les juridictions se sont montrées extrêmement prudentes et n'ont condamné les personnes morales qu'à des peines d'amende : sur les cent premières condamnations analysées, seules treize peines d'affichage, cinq publications et quatre confiscations ont été prononcées.

b) L'extension proposée par le Sénat

Tout en écartant la mise en cause de la responsabilité pénale de l'Etat, le Sénat a souhaité étendre la responsabilité pénale des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Suivant les propositions du groupe de travail sur la responsabilité pénale des décideurs publics, il a modifié le deuxième alinéa de l'article 121-2 du code pénal afin de prévoir la responsabilité pénale des collectivités locales pour toutes leurs activités, même lorsque ces dernières ne peuvent pas faire l'objet d'une convention de délégation de service public ; dans ce dernier cas, leur responsabilité pénale ne serait engagée que s'il s'agit d'une infraction constituée par un manquement non délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ; en cas de violation délibérée, seule la responsabilité pénale de la personne physique ayant commis l'infraction pourrait être mise en jeu.

Par ailleurs, le Sénat a modifié par coordination le dernier alinéa de l'article 121-1, afin de préciser que la possibilité de cumuler la responsabilité pénale des personnes morales et des personnes physiques doit s'apprécier « sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article 121-3 », qui, lorsque la faute a été la cause indirecte du dommage, ne prévoit la responsabilité des personnes physiques qu'en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence.

Commentant cette extension mesurée de la responsabilité pénale des collectivités territoriales, le rapporteur du Sénat estime « qu'il n'est pas inéquitable que la responsabilité de la personne morale puisse être mise en cause plus facilement qu'aujourd'hui, cette évolution allant de pair avec une définition plus stricte des conditions de mise en _uvre de la responsabilité des personnes physiques ».

Il semble néanmoins que l'objectif poursuivi par les sénateurs soit avant tout d'éviter les mises en cause injustifiées de la responsabilité pénale des personnes physiques. S'appuyant sur l'exemple d'un accident survenu au cour d'un lâcher de taureaux à Nîmes, qui avait conduit à la mise en examen du maire, avant que ce dernier ne soit relaxé, le rapporteur a souligné que sa démarche visait « à éviter l'injustice qui consiste à désigner absolument un bouc émissaire », estimant souhaitable de « reconnaître la responsabilité pénale de la commune plutôt que de chercher absolument à clouer au pilori un homme ».

On ne peut être que d'accord avec cet objectif. Toutefois, comme l'a rappelé la garde des sceaux en séance publique, seule la modification de l'article 121-3 du code pénal, qui limite la responsabilité pénale des personnes physiques aux cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité lorsque la faute a été la cause indirecte du dommage, permettra effectivement d'éviter des mises en examen injustifiées de personnes physiques se terminant par un non-lieu ou une relaxe.

La nouvelle rédaction proposée à l'article 121-2 est, quant à elle, sans incidence sur la responsabilité pénale des personnes physiques. Elle permettra simplement aux victimes, qui ne pourront plus mettre en jeu la responsabilité pénale des élus locaux lorsque la violation de l'obligation de sécurité ne sera pas manifestement délibérée et que le lien entre la faute et le dommage sera indirect, de se retourner contre la collectivité locale concernée, ce qu'elles ne pouvaient faire jusqu'à présent que lorsque l'infraction avait été commise dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public. En outre, la personne morale étant représentée au cours de la procédure par son représentant légal, lorsque des poursuites pour les mêmes faits ne sont pas engagées contre ce dernier, il existe un risque certain d'assimilation entre le maire, représentant légal de la commune mise en cause, et le maire, personne physique mise en examen.

La modification proposée par le Sénat risque en revanche de conduire à une pénalisation accrue de la vie publique, pénalisation que le législateur cherche, par ailleurs, à éviter. Comme le reconnaît le groupe d'étude sur la responsabilité pénale des décideurs publics, elle peut inciter « davantage les victimes à assouvir leurs désirs vindicatifs en s'adressant au juge pénal, alors qu'il serait préférable de les orienter vers la recherche d'une responsabilité civile ». Elle risque de porter atteinte au principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge pénal étant amené à apprécier l'opportunité des décisions prises par les élus locaux, y compris dans l'exercice de prérogatives de puissance publique, alors même qu'il connaît mal les modalités de fonctionnement des collectivités territoriales.

Cette extension de la responsabilité pénale des collectivités territoriales peut conduire à terme à une mise en cause de celle de l'Etat. Comment justifier en effet que l'on puisse poursuivre une commune pour ses activités de police municipale, alors qu'une telle possibilité n'est pas ouverte lorsqu'il s'agit de la police nationale ? Or, comme l'a souligné le Conseil d'Etat dans son rapport de 1996 consacré à la responsabilité pénale des agents publics, la mise en cause de la responsabilité pénale de l'Etat est difficilement envisageable, car elle conduirait l'Etat, qui représente la société toute entière, à être à la fois auteur du dommage, victime, censeur et juge. Le Sénat, malgré les propositions en ce sens du groupe d'étude présidé par M. Massot, à écarté une telle possibilité.

L'extension de la responsabilité des personnes morales soulève également d'autres difficultés. Outre le fait qu'elle risque d'être interprétée comme une fuite des élus devant leurs responsabilités, elle ne paraît pas adaptée aux spécificités des personnes morales de droit public. La plupart des peines prévues par le code pénal sont soit interdites pour ces personnes morales (dissolution, interdiction d'exercice et le placement sous surveillance judiciaire), soit inadaptées, parce que contraires à leurs missions de service public (confiscation de l'objet, fermeture de l'établissement à l'origine des faits incriminés).

C'est donc, comme actuellement, la peine d'amende qui sera le plus souvent prononcée. Or, cette amende sera en fait payée par l'ensemble des contribuables, parmi lesquels figurent éventuellement des victimes de l'infraction.

Enfin, il paraît un peu prématuré de modifier les dispositions relatives à la responsabilité pénale des personnes morales, alors même que cette responsabilité est récente et que la jurisprudence, comme on l'a vu, n'a pas définitivement fixé son champ d'application.

C'est pourquoi le rapporteur a proposé à la Commission, qui l'a adopté (amendement n° 14), un amendement proposant une nouvelle rédaction de l'article 6 afin de supprimer l'extension de la responsabilité pénale des collectivités territoriales, M. Philippe Houillon ayant retiré un amendement d'objet similaire. L'amendement de M. Jean-Antoine Léonetti étendant la responsabilité pénale des personnes morales à l'Etat, ainsi que les amendements nos 3 et 2 de M. Gilbert Meyer prévoyant une telle extension pour les infractions non intentionnelles commises par un simple agent d'une collectivité territoriale sont ainsi devenus sans objet.

Après l'article 6

La Commission a rejeté un amendement de M. Philippe Houillon consacrant dans le code de procédure pénale la jurisprudence de l'arrêt « Thépaz », qui précise que seuls les tribunaux administratifs sont compétents pour connaître des actions en réparation engagées contre des agents publics pour des fautes de service. Tout en convenant de l'intérêt d'un tel amendement, le rapporteur a indiqué qu'il conduirait à remettre en cause un certain nombre de dispositions législatives, notamment en matière d'accidents de la circulation ou d'atteintes aux libertés individuelles, qui autorisent, même en cas de faute de service, les magistrats de l'ordre judiciaire à statuer sur des demandes d'indemnisation présentées par les parties civiles. La Commission a également rejeté un amendement de M. Jean-Antoine Léonetti complétant le code de procédure pénale afin de préciser les conditions de recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile, le rapporteur ayant fait valoir que l'article 86 de ce code permettait déjà d'encadrer le dépôt de ces plaintes. Elle a ensuite rejeté l'amendement n° 4 de M. Gilbert Meyer, qui impose une audition préalable avant toute mise en examen par le juge d'instruction, après que le rapporteur eut indiqué que cet amendement était satisfait par l'article 3 bis du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence. La Commission a également rejeté les amendements nos 6 et 5 du même auteur qui, respectivement, interdisent la mise en examen d'une personne physique en l'absence de mise en examen préalable de la personne morale, lorsqu'il s'agit de faits commis dans l'exercice de fonctions d'agents ou de représentants de la personne morale, et prévoient une saisine obligatoire de la juridiction administrative, lorsqu'est envisagée une mise en examen d'élu local ou d'agent public, le rapporteur faisant observer, à propos de ce dernier amendement, qu'il risquait d'allonger sensiblement la durée des procédures. La Commission a enfin été saisie d'un amendement de M. Jean-Antoine Léonetti instituant un moratoire d'un an pour la création d'infractions pénales. Citant l'exemple de la corruption, son auteur a fait valoir que les peines prévues, souvent beaucoup plus lourdes dans notre pays que chez nos voisins européens, étaient rarement appliquées, et souligné la nécessité d'une pause en ce domaine. Le rapporteur ayant observé que l'amendement, dont l'aspect pédagogique est incontestable, ne relevait pas du domaine de la loi et souligné que l'instauration de sanctions pénales était parfois indispensable, M. Jean-Antoine Léonetti a retiré son amendement.

Article 7

(art. 706-43 du code de procédure pénale)

Désignation d'un mandataire de justice
pour représenter la personne morale

Le premier alinéa de l'article 706-43 du code de procédure pénale dispose que lorsque des poursuites sont engagées contre une personne morale et contre son représentant légal pour les mêmes faits, le président du tribunal de grande instance désigne un mandataire de justice pour représenter la personne morale.

Cette désignation a pour objet d'éviter tout conflit d'intérêts entre le représentant légal, qui peut être tenté de se décharger de sa propre responsabilité, et la personne morale. Comme l'indique la circulaire générale, « il est en effet à craindre que, pour échapper à une condamnation, le représentant légal tente de faire supporter à la personne morale l'entière responsabilité des faits délictueux ».

Cette disposition est relativement peu utilisée : sur les cent premières condamnations de personnes morales examinées, seules deux affaires ont donné lieu à la désignation d'un mandataire judiciaire. Il semble toutefois que, dans huit cas, le dirigeant, bien que lui-même poursuivi, ait représenté la personne morale, en dépit des dispositions de l'article 706-43.

Dans un arrêt du 9 décembre 1997, la chambre criminelle de la Cour de cassation a néanmoins eu l'occasion de préciser les conditions d'application de ce dispositif, lui donnant une portée relativement large. Elle a ainsi considéré que la désignation d'un mandataire de justice était obligatoire dès que l'action publique est mise en mouvement contre le représentant légal, sans qu'il soit nécessaire que ce dernier soit mis en examen ; en l'espèce, un réquisitoire nominatif du procureur de la République était suffisant. Elle a également jugé que cette désignation était obligatoire même lorsque le représentant légal poursuivi a nommé un délégataire pour représenter la personne morale. Enfin, la haute juridiction a estimé cette disposition s'appliquait aussi lorsque la personne désignée pour représenter la personne morale était poursuivie, alors que le texte de l'article 706-43 mentionne uniquement le représentant légal.

Les sénateurs ont considéré que cette obligation de désignation d'un mandataire de justice constituait « une exigence très lourde, qui limite de fait l'engagement des poursuites contre les personnes morales et incite à poursuivre prioritairement les personnes physiques ».

Ils ont donc modifié le premier alinéa de l'article 706-43 afin prévoir que cette désignation serait désormais facultative et se ferait sur requête du représentant légal de la personne morale.

Après le retrait par M. Philippe Houillon d'un amendement de coordination, la Commission a adopté l'article 7 sans modification.

Article 7 bis (nouveau)

(art. 1er-1 du code du code des marchés publics)

Marchés publics conclus dans l'urgence

Sur proposition de M. Michel Charasse, le Sénat a adopté un amendement, devenu l'article 7 bis de la proposition de loi, qui insère en tête du code des marchés publics un nouvel article 1er-1 écartant dans un certain nombre de cas les règles et les seuils de mise en concurrence prévus par ce code.

Le premier alinéa de cet article dispose de manière générale que ces règles ne sont pas applicables aux marchés conclus dans l'urgence « en vue de faire cesser un péril imminent ou de mettre un terme à une situation de danger mettant en cause la sécurité des biens et des personnes ».

Le deuxième alinéa procède à une validation législative des marchés conclus à l'occasion des catastrophes naturelles survenues au cours du dernier trimestre 1999, ainsi que des marchés conclus postérieurement ayant pour but de rétablir le fonctionnement normal des services publics. L'auteur de l'amendement a justifié cette validation préventive par le fait qu'à la suite des intempéries de la fin du mois de décembre dernier, il était nécessaire de procéder à des réparations urgentes, notamment dans les écoles et les collèges, réparations impossibles à réaliser dans un délai raisonnable si l'on applique strictement les règles de mise en concurrence du code des marchés publics.

Comme l'a souligné M. Michel Charasse, il est essentiel que les élus locaux aient la possibilité de conclure rapidement des marchés leur permettant de mettre fin à un péril imminent et de rétablir le fonctionnement normal des services publics. Il ne semble pas, pour autant, que la disposition adoptée par le Sénat soit nécessaire pour atteindre cet objectif, l'état actuel du droit permettant déjà de prendre en compte ces situations d'urgence.

L'article 122-7 du code pénal exonère, en effet, de toute responsabilité pénale la personne qui, face à un danger imminent, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde d'un bien : le maire, qui n'a pas respecté les conditions de mise en concurrence prévue par le code des marchés publics pour mettre fin à un péril imminent, ne pourra donc être poursuivi pour délit de favoritisme. La garde des sceaux s'est d'ailleurs engagée en séance publique à adresser aux parquets une circulaire leur rappelant cette disposition, afin d'éviter que des poursuites injustifiées ne soient engagées sur le fondement de ce délit pour les marchés conclus à la suite des intempéries de décembre dernier.

Par ailleurs, l'ordonnance du 6 janvier 1959, qui autorise l'autorité publique à réquisitionner les entreprises pour effectuer les travaux nécessaires à la suite d'une catastrophe ou de tout événement mettant gravement en cause la sécurité, a pour effet, lorsqu'elle est appliquée, d'écarter le code des marchés publics.

Les réparations de première nécessité, qui portent sur un montant inférieur à 300 000 F, sont également dispensées de toute mise en concurrence (article 123 du code des marchés publics).

Si d'autres mesures d'urgence s'avèrent nécessaires, l'article 104 de ce code autorise l'utilisation de la procédure négociée, précédée d'une mise en concurrence sommaire, quel que soit le montant du marché, « dans les cas d'urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles ne permettant pas de respecter les délais prévus ».

Les dispositions législatives actuelles permettent donc, dans l'ensemble, de répondre aux situations d'urgence visées par l'amendement sénatorial. Le dispositif proposé par M. Charasse présente en outre l'inconvénient d'être en contradiction avec les directives communautaires sur les marchés publics, notamment lorsqu'il écarte toute mise en concurrence, même sommaire, pour tous les marchés destinés à faire cesser un péril imminent, en dehors des cas de réquisitions.

C'est pourquoi la Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 15) de suppression de l'article.

Articles 7 ter, 7 quater et 7 quinquies ( nouveaux)

(art. L. 2123-34, L. 3123-28 et L. 4135-28
du code général des collectivités territoriales)

Protection des élus locaux en cas de faute non détachable

Consacrant une pratique jusque-là fondée sur les circulaires ministérielles, la loi du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique a complété l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, par un alinéa qui précise que la collectivité publique est tenue d'accorder sa protection aux fonctionnaires et aux anciens fonctionnaires faisant l'objet de poursuites pénales lorsque les faits en cause n'ont pas le caractère de faute personnelle. Cette même loi a étendu la protection dont bénéficient les fonctionnaires aux agents publics non titulaires.

Les élus locaux ne bénéficient en revanche d'aucune protection lorsqu'ils agissent au nom leur collectivité.

Suivant la proposition formulée par le groupe d'étude sur la responsabilité pénale des décideurs publics, les sénateurs ont voulu combler cette lacune et ont adopté trois amendements modifiant respectivement les articles L. 2123-34, L. 3123-28 et L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales relatifs à la responsabilité des élus pour des faits d'imprudence ou de négligence, afin de prévoir une protection identique pour le maire, le président du conseil général, le président du conseil régional ou les élus ayant reçu délégation, ainsi que pour ces élus ayant cessé leurs fonctions, lorsque ceux-ci font l'objet de poursuites pénales pour des faits n'ayant pas le caractère de faute détachable. Notons que cette protection s'appliquerait également aux présidents et aux membres de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, puisque l'article L. 5211-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que l'article L. 2123-34 leur est applicable.

A la suite d'une discussion un peu confuse, au Sénat, en séance publique, cette protection a été requalifiée de défense et est devenue une simple faculté pour la collectivité, alors qu'elle est obligatoire lorsqu'il s'agit d'un fonctionnaire.

Sur proposition du rapporteur, la Commission a adopté trois amendements proposant une nouvelle rédaction des articles 7 ter, quater et 7 quinquies (amendements nos 16, 17 et 18), afin, d'une part, d'harmoniser la rédaction actuelle des articles L. 3123-28 et L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales avec celle de l'article L. 2123-34, qui vise tous les élus municipaux ayant reçu une délégation ou suppléant le maire, et, d'autre part, de rendre obligatoire, et non pas simplement facultative, la protection de ces élus locaux, comme la loi du 13 juillet 1983 le fait pour les fonctionnaires. Son auteur a souligné que la rédaction proposée reprenait celle figurant actuellement à l'article 11 de la loi de 1983.

Article additionnel après l'article 7 quinquies

(art. 11 bis A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
et 16-1 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972)

Disposition de coordination

La Commission a adopté un amendement du rapporteur (amendement n° 19) modifiant la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires par coordination avec la nouvelle rédaction de l'article 121-3 proposée à l'article premier. La Commission a ensuite été saisie de l'amendement n° 8 de M. Michel Buillard insérant dans la loi du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer un article qui précise que la commune peut assurer la défense du maire lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable. Tout en reconnaissant que le code général des collectivités territoriales ne s'appliquait pas en Polynésie française, le rapporteur a indiqué que l'article 2123-34 de ce code, que la proposition de loi complète, avait été étendu à ce territoire par l'article 5 de la loi du 13 mai 1996. Il a fait valoir que, dès lors que l'article 8 de la proposition de loi rend cette proposition applicable à la Polynésie française, l'amendement proposé par M. Michel Buillard était inutile. Celui-ci l'a retiré.

Article 8

Application outre-mer

Cet article rend la proposition de loi applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles de Wallis-et-Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte, qui sont régis par le principe de la spécialité législative.

Après le retrait de l'amendement n° 7 de coordination de M. Michel Buillard, la Commission a adopté l'article 8 sans modification.

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La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi (n° 2121) ainsi modifiée.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la proposition de loi (n° 2121), adoptée par le Sénat, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, modifiée par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après.