discussion des articles 7 et 8
Article 7
M. le président. « Art. 7. - La troisième phrase du premier alinéa de
l'article 706-43 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :
« Toutefois, lorsque des poursuites pour des mêmes faits ou des faits connexes
sont engagées à l'encontre du représentant légal, celui-ci peut saisir par
requête le président du tribunal de grande instance aux fins de désignation
d'un mandataire de justice pour représenter la personne morale. » - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 7
M. le président. Par amendement n° 8 rectifié bis, M. Charasse et les
membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après
l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 1er du code des marchés publics, il est inséré un article
ainsi rédigé :
« Art. ... Les dispositions du présent code ne sont pas applicables, en
ce qui concerne les règles et les seuils de mise en concurrence, aux marchés
conclus en urgence en vue de faire cesser un péril imminent ou de mettre un
terme à une situation de danger mettant en cause la sécurité des biens et des
personnes.
« Les marchés de toute nature conclus en urgence à l'occasion des
catastrophes naturelles survenues au dernier trimestre de l'année 1999 et
répondant aux conditions prévues à l'alinéa précédent sont réputés
valables légalement au regard des dispositions du présent code. Il en est de
même en ce qui concerne les marchés conclus postérieurement aux catastrophes
susvisées et visant à rétablir le fonctionnement normal des services publics,
notamment en ce qui concerne la reconstruction ou les travaux de sécurité en
matière d'équipements publics, spécialement ceux qui, comme les
établissements scolaires et sportifs, reçoivent du public. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers
collègues, ce texte de la commission des lois aurait pu, et aurait même dû,
normalement, donner lieu à un grand nombre d'amendements si nous avions voulu
couvrir tous les aspects du problème qui est posé, celui de la mise en cause
de la responsabilité des élus et des non-élus, les citoyens. Mais il se
trouve que, en parallèle, d'autres textes sont en discussion, en particulier le
projet de loi visant à renforcer la protection de la présomption d'innocence
et les droits des victimes.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste - vous l'avez sans doute
remarqué - n'a pas souhaité présenter d'amendements visant à introduire des
articles additionnels dans ce texte, renvoyant ses propositions à la deuxième
lecture du projet de loi sur la présomption d'innocence... à l'exception
toutefois de cet amendement n° 8 rectifié bis, qui vise à répondre en
urgence - c'est le cas de le dire - à une question urgente qui préoccupe
particulièrement les responsables publics des collectivités locales.
Comme vous le savez, mes chers collègues, le code des marchés publics comporte
des dispositions qui prévoient, dans un certain nombre de cas, la possibilité
de procéder en urgence. Mais cette possibilité ne dispense pas de la mise en
concurrence, sauf lorsque vous procédez à la réquisition...
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Et les marchés négociés ?
M. Michel Charasse. ... marchés négociés ? Sous réserve que la somme soit
inférieure à un certain seuil.
M. Jean-Pierre Schosteck. Effectivement !
M. Michel Charasse. C'est tout le problème !
Nous avons connu, dans le courant du dernier trimestre, un certain nombre
d'événements climatiques graves, qui on frappé d'abord le Sud-Ouest de la
France, par les inondations ; ensuite, soixante-neuf départements, soit les
deux tiers, ont été déclarés sinistrés à l'occasion des deux tempêtes de
la fin du mois de décembre dernier.
Les élus locaux responsables, et peut-être même les représentants de l'Etat,
ont alors procédé comme ils pouvaient, c'est-à-dire en faisant appel à des
entreprises sans prendre la peine de les réquisitionner en bonne et due forme,
car ils ne disposaient pas, sur la digue qui allait craquer... au milieu des
arbres qui tombaient... du papier à en-tête, des tampons de la mairie, du
garde champêtre pour notifier la réquisition, de la photocopieuse nécessaire
pour notifier simultanément au préfet, etc. Ils ont appelé des entreprises,
en leur disant qu'il fallait faire tels travaux... faire dégager d'urgence la
route... faire ceci... cela...
Aujourd'hui - et M. Courrière, s'il n'avait eu un avion à prendre, vous
l'aurez dit aussi - tous ces marchés, qui ont été passés verbalement, en
pleine nuit, en urgence, se trouvent bloqués en paiement chez les comptables
publics pour non-respect de la procédure.
Vous me rétorquerez que l'élu local a la possibilité de réquisitionner le
comptable. S'il procède ainsi, la responsabilité financière du comptable est
alors transférée à l'élu, qui se retrouvera automatiquement devant la
chambre régionale des comptes et peut-être devant la cour de discipline
budgétaire - en tout cas devant la chambre régionale des comptes, car la cour
de discipline budgétaire ne peut peut-être pas encore intervenir à l'encontre
des élus locaux - laquelle chambre régionale des comptes va relever un
manquement au code des marchés et, au titre de l'article 40 du code de
procédure pénale, va saisir le procureur. Et l'on se retrouve dans le délit
de favoritisme !
Le même problème se pose, mes chers collègues, en ce qui concerne les
réparations urgentes sur un certain nombre de bâtiments publics, notamment les
écoles et les collèges. Si vous respectez les procédures de marché, les
réparations urgentes exigées en particulier par la sécurité seront faites
pour le 14 juillet, c'est-à-dire pour les grandes vacances ! En attendant, vous
prenez le risque de laisser les enfants continuer à fréquenter
l'établissement. Mais alors, on est dans l'article 121-3 à l'envers... Ou bien
vous fermez purement et simplement l'établissement, et on piétine allègrement
le principe constitutionnel de continuité du service public !
L'amendement qui est présenté par mon groupe vise simplement à compléter le
code des marchés publics en précisant que, lorsque l'on est dans une situation
d'urgence, où il s'agit de faire cesser un péril imminent ou de mettre un
terme à une situation de danger mettant en cause la sécurité des biens et des
personnes, dans ce cas-là, on peut ne pas respecter les règles de seuil et
d'appel à la concurrence prévues par le code des marchés publics, toutes les
autres dispositions continuant naturellement à s'appliquer, en particulier la
règle du service fait, qui n'est pas la moindre des règles en matière de
comptabilité publique.
Par ailleurs, notre amendement vise à valider les actes qui ont été conclus
pendant ces événements climatiques par nos collègues élus, en particulier
ceux qui, aujourd'hui, sont bloqués chez les comptables publics, qui, parce
qu'ils n'ont pas de marché en bonne et due forme passé dans les conditions du
code des marchés, s'opposent, comme ils en ont le devoir, parce qu'ils sont
responsables de leur caisse, au paiement des sommes en cause. Notre amendement
vise également à permettre l'application de la procédure d'urgence lorsqu'il
faut assurer la continuité du service public et réparer d'urgence des
bâtiments publics, des routes, postérieurement à un événement climatique de
l'ampleur de ceux que nous avons connus.
Tels sont la philosophie et l'objet de l'amendement n° 8 rectifié bis.
M. le président. Quel l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il s'agit ici, tout le monde l'aura bien
sûr compris, de ce que l'on appelle communément un « cavalier » législatif.
Mais si un cavalier se justifie, c'est bien celui-là, puisqu'il est lié à des
circonstances que personne ne pouvait prévoir, des circonstances de force
majeure.
A première vue, la commission des lois pense que, en effet, il y a là un vrai
problème auquel il faut apporter une solution, peut-être du type de celle à
laquelle pense M. Charasse. Mais elle souhaiterait, avant de se prononcer
définitivement, entendre l'avis du Gouvernement sur cette affaire qui,
effectivement, pose beaucoup de problèmes. M. Larché a dû nous quitter, mais
il citait, pour son propre cas, des travaux qui nécessitent un permis de
construire. Il faut donc entrer dans la procédure du permis de construire. Mais
combien de temps va-t-elle prendre ?
En outre, il est probable que l'on n'a pas encore fait l'inventaire de tous les
problèmes qui se posent, et il s'en pose déjà pourtant des quantités ! Il
faut que nous trouvions l'occasion d'y remédier. Comme l'occasion se présente,
la commission pense qu'en effet il est bon de la saisir, sous réserve de ce que
nous dira Mme le garde des sceaux.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le but poursuivi par M. Charasse
ne peut effectivement que faire l'unanimité. Les catastrophes récentes subies
par notre pays ont montré que, dans ces situations d'urgence, les décideurs
publics en général mais surtout les élus - et les maires étaient en
première ligne - devaient être en mesure de conclure des marchés rapidement,
sans être retardés par une procédure longue et complexe, pour parer aux
dangers imminents et rétablir au plus vite le fonctionnement normal des
services publics.
Chacun, et le Gouvernement en premier lieu, partage cette volonté de donner aux
décideurs publics les moyens de répondre le plus efficacement possible à
l'attente de nos concitoyens, qui ont été très durement touchés.
Cependant, il me semble que l'état actuel du droit prend déjà en compte ces
situations particulières qui demandent un assouplissement des règles des
marchés publics.
Ainsi, le code des marchés publics permet à la personne responsable du marché
de procéder, dans « les cas d'urgence impérieuse motivée par des
circonstances imprévisibles », à un marché négocié, et ce quel que soit
son montant.
Je rappelle également que la passation de marchés de travaux, de fournitures
et de services dont le montant est inférieur à 300 000 francs est dispensée
de mise en concurrence. Des marchés peu importants, destinés seulement à
répondre aux premières nécessités en situation d'urgence, peuvent donc être
concernés.
De son côté, le code pénal, avec la notion d'état de nécessité, exonère
de responsabilité pénale celui qui agit pour sauvegarder une personne ou un
bien menacé par un danger imminent. Le décideur public qui n'a pas respecté
les dispositions du code des marchés publics pour ce motif échappe donc aux
risques d'une condamnation pénale.
En outre, une ordonnance de 1959 précise que les mesures immédiates qu'il
convient de prendre à la suite d'une catastrophe ou de tout événement mettant
gravement en cause la sécurité permettent à l'autorité publique de
réquisitionner les entreprises à même d'entreprendre les travaux
nécessaires. La mise en jeu de cette ordonnance, qui donne leur fondement aux
réquisitions, a pour effet d'écarter l'application du code des marchés
publics.
Par ailleurs, je m'interroge sur la constitutionnalité des mesures proposées
dans la mesure où elles contiennent, dans le deuxième alinéa, une disposition
de régularisation générale et non limitée dans le temps.
Ces observations, qui, encore une fois, ne sont nullement destinées à remettre
en cause la légitimité de l'objectif de cet amendement, qui suscite, j'en suis
sûre, l'assentiment général, me conduisent à demander à M. Charasse de le
retirer, non parce qu'il serait inopportun ou mal fondé, mais parce qu'il
existe déjà des dispositions - je viens de les énumérer - qui permettent
d'aboutir au même résultat sans risquer de contrarier la jurisprudence du
Conseil constitutionnel.
J'ajoute, pour convaincre M. Charasse de retirer son amendement, que je verrai
avec les autres ministres concernés s'il ne serait pas possible d'adresser aux
parquets une circulaire appelant leur attention sur les dispositions du code des
marchés publics et du code pénal auxquelles je viens de faire allusion, pour
éviter que des poursuites injustifiées ne soient engagées sur le fondement du
délit de favoritisme à la suite de marchés conclus pour réparer les dégâts
causés par les tempêtes de décembre dernier.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission n'a pas entendu l'avis du
Gouvernement !
Je m'exprimerai un peu à titre personnel, mais je pense que M. Larché, en
raison des propos qu'il a tenus tout à l'heure, partage ce sentiment.
Nous nous sommes engagés dans une démarche qui comporte plusieurs étapes.
Nous n'en sommes qu'à la première, et ce texte pourra certainement être
amélioré au cours de la navette : le Gouvernement peut encore prendre des
initiatives, envoyer des circulaires, etc.
Le Gouvernement a fait appel au bon coeur de M. Charasse, et l'on ne fait jamais
appel au bon coeur de M. Charasse en vain. (Sourires.) Je souhaiterais
donc savoir si M. Charasse accepte de retirer son amendement.
M. Michel Charasse. En tout cas, pas avant de m'être expliqué !
M. le président. Monsieur le rapporteur, quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La sagesse voudrait que M. Charasse retire
son amendement. A défaut, je ne demanderai pas au Sénat de le repousser, pour
montrer que nous souscrivons à cette solution.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8 rectifié bis.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. J'ai bien entendu les propos qu'ont tenus Mme le ministre,
ainsi que M. le rapporteur.
J'ai pris bonne note des éléments, que je connaisais déjà d'ailleurs, qu'a
apportés Mme le ministre, notamment lorsqu'elle nous dit qu'elle est prête à
adresser une circulaire aux procureurs pour leur dire de ne pas engager de
poursuites... C'est là un point important sauf qu'en matière de marchés les
poursuites peuvent être engagées par n'importe quelle entreprise évincée et,
dans ce cas, le procureur n'a pas la possibilité de s'opposer aux poursuites.
Croyez-moi, il n'y a nulle querelle entre le groupe socialiste et le
Gouvernement sur ce point. Nous sommes en présence de problèmes concrets qui
se posent aujourd'hui dans un certain nombre de collectvités et nous essayons
ensemble de trouver la meilleure solution, sans chercher querelle aux uns ou aux
autres.
Donc, il n'existe pas de garanties quant aux poursuites de particuliers.
Quand Mme le ministre nous dit qu'il ne peut pas y avoir de condamnation pénale
à l'encontre d'une personne ayant agi sous l'empire de la nécessité, cela
n'empêche pas qu'il peut y avoir des poursuites. Le problème reste toujours le
même : on poursuit, on met en examen - c'est-à-dire en accusation - et
ensuite, devant le tribunal, tout se règle. En attendant, on a subi les titres
des journaux : on a passé trois nuits de suite sans dormir, avec les pompiers,
sur une digue, les pieds dans la boue, on s'est enquiquiné au possible, et on
fait les frais d'articles de journaux à foison. Et tout se terminerait par un
petit « flop » devant le tribunal...
Quant à l'ordonnance de 1959, chère amie, madame le garde des sceaux... C'est
vrai que la réquisition est possible. Mais il faut être en état de la faire.
Il faut un document écrit. Or, il est trois heures du matin, vous êtes dehors,
sur la route ; vous tronçonnez les arbres pour dégager la route... et l'on
vous enjoint de réquisitionner. Mais il faut un papier à en-tête de la
mairie, le cachet de la mairie, il faut faire des photocopies, il faut mander le
garde-champêtre, il faut faire porter le double au sous-préfet ou au
préfet... tout cela en pleine nuit et alors même que des personnes sont
menacées... Il faut agir en urgence !
Alors, vous me direz que l'on peut toujours régulariser a posteriori.
Mais cela s'appelle un faux et, moi, je ne recommanderai à personne de faire un
faux pour régulariser a posteriori !
Dernier point, madame le ministre : étant entendu que je ne considère pas que
votre réponse soit négative, que puis-je répondre - et je regrette encore une
fois que mon collègue M. Courrière soit parti - aux maires de l'Aude dont,
actuellement, les factures sont bloquées par les comptables au motif que, dans
la nuit, ils n'ont pas respecté les procédures des marchés publics ?
Il y a une solution, madame le ministre, qui est très simple : c'est que le
ministre du budget donne l'ordre aux comptables de payer et lève leur
responsabilité pécuniaire. Lui seul peut le faire. Mais nous, nous ne réglons
pas le problème de fond.
L'autre problème posé à travers mon amendement - dont je veux bien
reconnaître, l'ayant rédigé assez rapidement à la demande de mon groupe,
qu'il pourrait sans doute être revu dans son dispositif - concerne les
réparations postérieures à la tempête. Si nous sommes obligés de respecter
partout, notamment en ce qui concerne les bâtiments scolaires, pour la mise en
sécurité consécutive aux réparations rendues nécessaires par la tempête,
les délais prescrits par le code des marchés et les procédures, les
bâtiments seront en sécurité en juillet... s'il fait beau... si, comme le dit
l'histoire corse, il n'y a pas de vent... (Sourires.)
Il n'est pas possible d'attendre si longtemps, et l'autre partie de mon
amendement visait cet aspect des choses.
Monsieur le président, je ne retirerai pas mon amendement car je souhaite, tout
en faisant preuve de l'humilité nécessaire en ce qui concerne les
imperfections qui en marquent sans doute la rédaction, que le Sénat l'adopte.
Comme il va y avoir une navette, que le Gouvernement prenne le temps de la
réflexion car, de même que nous, au groupe socialiste, nous avons agi dans
l'urgence, le Gouvernement n'a pas eu beaucoup de temps, lui non plus, pour
réfléchir. De surcroît, c'est un sujet qui concerne non seulement la
Chancellerie, mais également la commission centrale des marchés, le ministère
de l'économie, la direction de la comptabilité publique en ce qui concerne les
paiements... bref, toute une série de services qui ne sont pas tous sous
l'autorité du garde des sceaux. Certes, le Gouvernement est unique et la
solidarité gouvernementale joue, mais ce sont des questions techniques assez
compliquées.
En fin de compte, je souhaite que l'amendement que nous présentons - il n'est
pas parfait, mais il a le mérite de poser les vrais problèmes - soit adopté
aujourd'hui à titre provisoire par le Sénat. Il pourra ainsi être amélioré
lors de la navette, tant par le Gouvernement que par l'Assemblée nationale en
première lecture.
Monsieur le président, je maintiens cet amendement pour des motifs que je tiens
à répéter.
D'abord, il pose le principe d'une dérogation générale en cas d'urgence,
quand il faut faire cesser un péril ou prévenir un danger, ce qui est la
moindre des choses.
Ensuite, il rend valides les marchés conclus verbalement en pleine nuit, dans
des conditions abracadabrantes, lors de catastrophes naturelles comme celles que
nous venons de vivre.
Enfin, il autorise à déroger au code des marchés publics pour la remise en
route des équipements publics, notamment les établissements scolaires et
sportifs qui nécessitent des réparations urgentes pour des raisons de
sécurité.
Je souhaite que la navette améliore notre texte. Je ne suis pas fermé à une
discussion avec l'Assemblée nationale. Et si je maitiens l'amendement, c'est
non pour embêter le Gouvernement ni pour faire preuve d'obstination, mais parce
qu'il y a un vrai problème.
J'ajoute que si Mme le ministre nous confirme qu'elle va prendre contact avec le
ministère de l'économie et des finances - si ce n'est pas déjà fait - pour
que, au moins, les paiements bloqués par l'administration soient débloqués,
parce qu'il ne faut pas, en plus, mettre en difficulté les entreprises qui ont
fait ces travaux, nous n'aurions pas complètement perdu notre temps.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Mes chers collègues, il faut approuver cet amendement. Ce
n'est certainement ni la première fois ni la dernière fois que nous sommes
d'accord, monsieur Charasse. De la même façon que j'approuve cet amendement,
vous avez déjà approuvé des initiatives que j'avais pu prendre, vous avez
notamment accepté de cosigner avec moi un amendement.
C'est sans aucune hésitation que j'aurais accepté de cosigner l'amendement que
vous venez de défendre devant la Haute Assemblée. Cet amendement aurait
d'ailleurs pu être présenté par le Sénat tout entier, cosigné par
l'ensemble des membres de notre assemblée. Un consensus général va
certainement se dégager lors de son vote.
Comme M. Charasse l'a dit très justement et comme l'ont rappelé le rapporteur,
M. Pierre Fauchon, et le président de la commission, M. Jacques Larché, il y
aura la navette.
Cet amendement devrait permettre d'éviter les travers qui ont été dénoncés
par notre collègue M. Charasse, en incitant le Gouvernement à rechercher
pourquoi les dispositions législatives existantes ne sont pas appliquées.
Je souhaite plus particulièrement appeler votre attention sur deux points
particuliers, madame le garde des sceaux.
Après le passage de la tempête, un certain nombre de nos collègues doivent
intervenir d'urgence sur des monuments historiques. Il leur a pourtant été
répondu qu'ils ne pouvaient pas le faire tant que le conservateur n'avait pas
donné son avis. Cela peut prendre plusieurs mois ! Or il y a un risque.
Il serait donc très utile, comme l'a suggéré M. Charasse, que Mme le garde
des sceaux puisse intervenir non seulement auprès de M. le ministre de
l'économie et des finances ou de Mme la secrétaire d'Etat au budget, mais
aussi auprès de la sous-direction des monuments historiques.
Il serait également indispensable d'intervenir auprès du ministre de
l'intérieur afin de dégager des moyens suffisants pour permettre aux petites
collectivités locales qui ont subi des dommages considérables de réaliser des
travaux urgents qui dépassent très largement leur capacité financière.
Pour toutes ces raisons, je voterai sans aucune difficulté, comme nombre de mes
collègues, cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est
inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Tous deux sont présentés par M. Vasselle.
L'amendement n° 9 tend à insérer, après l'article 7, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Les trois derniers alinéas de l'article 665 du code de procédure pénale
sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le renvoi est également ordonné, dans l'intérêt d'une bonne
administration de la justice, par la chambre criminelle, soit sur requête du
procureur général près la Cour de cassation, soit sur requête du procureur
général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle la juridiction
saisie a son siège, agissant d'initiative ou sur demande de l'une des parties.
»
L'amendement n° 10 vise à insérer, après l'article 7, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 665 du code de procédure pénale,
après les mots : "sur demande" sont insérés les mots : "de
l'une au moins". »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. L'amendement n° 9 a pour objet de modifier le code de
procédure pénale afin de permettre la délocalisation de certaines affaires de
droit, pour la bonne administration de la justice. En effet, actuellement,
conformément au deuxième alinéa de l'article 665 du code de procédure
pénale, cette délocalisation n'est qu'une possibilité et elle ne peut se
faire qu'à la demande de l'ensemble des parties.
Dans le système que je propose à travers le présent amendement, cette
délocalisation reste très encadrée puisque le renvoi n'est ordonné par la
chambre criminelle, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice,
que sur requête du procureur général près la Cour de cassation ou sur
requête du procureur général près la cour d'appel où la juridiction saisie
a son siège, ce dernier s'autosaisissant ou étant saisi par l'une des parties.
L'apport de cet amendement est, en effet, que l'une des parties concernées, en
particulier un élu ou un fonctionnaire, puisse obtenir la délocalisation de
l'affaire qui le concerne.
L'amendement n° 10, qui modifie le deuxième alinéa de l'article 665 du code
de procédure pénale, a également pour objet de faciliter la délocalisation
du jugement de certaines affaires. Ainsi le renvoi d'un tribunal à un autre
pourra-t-il être ordonné sur la requête du procureur général près la cour
d'appel, celui-ci pouvant s'autosaisir, comme c'est déjà le cas, mais aussi
sur demande de l'une seulement des parties, alors que, dans le texte actuel, la
demande doit émaner de l'ensemble des parties.
Cela devrait faciliter l'exercice d'une justice plus sereine, en particulier à
l'égard des élus locaux. Cela ne ferait que conforter le souci d'indépendance
dans le jugement que manifestent les juges en évitant que des pressions
puissent être exercées sur le plan local.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 9 et
10 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission ne voit pas bien
l'efficacité pratique de ce dispositif !
Si j'ai bien compris, M. Vasselle est inquiet parce qu'il pense qu'il faut que
les deux parties demandent la délocalisation. En réalité, il n'en est rien !
Une circulaire interprétative prévoit en effet formellement que l'expression
« sur la demande des parties » signifie : si l'une des deux parties le
demande.
Par ailleurs, le Sénat a adopté, lors de la discussion du texte sur la
protection de la présomption d'innocence, un amendement qui portait sur le
même sujet, et ce texte est en cours de navette.
Dans ces conditions, monsieur Vasselle, peut-être pourriez-vous retirer ces
deux amendements.
M. le président. Monsieur Vasselle, les amendements n°s 9 et 10 sont-ils
maintenus ?
M. Alain Vasselle. Si Mme le garde des sceaux confirme l'interprétation de M.
le rapporteur, c'est bien volontiers que je retirerai ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 9 et
10 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement n'est pas
favorable à ces deux amendements.
Monsieur Vasselle, l'amendement n° 9 pose un problème de procédure pénale
dont la discussion doit être abordée lors de l'examen non de la présente
proposition de loi mais lors du projet de loi renforçant la protection de la
présomption d'innocence.
De plus, l'amendement n° 10 dénote une interprétation incomplète de
l'article 665 du code de procédure pénale concernant le renvoi d'une
juridiction à une autre, car il n'est pas obligatoire que toutes les parties le
demandent.
Monsieur Vasselle, je me rallie donc à la demande de M. Fauchon, qui vous
suggère de retirer ces deux amendements.
M. le président. Monsieur Vasselle, acceptez-vous d'accéder à la demande de
M. le rapporteur... et de Mme le garde des sceaux ?
M. Alain Vasselle. Si une des dispositions existe déjà, et si l'autre, comme
vient de le déclarer Mme le garde des sceaux, doit être adoptée incessamment,
c'est sans difficulté aucune que j'accepte de retirer ces deux amendements.
M. le président. Les amendements n°s 9 et 10 sont retirés.
Par amendement n° 11, M. Vasselle propose d'insérer, après l'article 7, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales est
complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La commune a l'obligation d'assurer la protection du maire ou d'un élu
municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou l'un de ces élus
ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales
pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable.
« A cette fin, elle contracte une assurance. Le fait de contrevenir à cette
obligation est puni d'une amende de 100 à 50 000 francs ».
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement, n° 20, présenté par MM.
Schosteck et Delevoye, et tendant, dans le premier alinéa du texte proposé par
l'amendement n° 11 pour compléter l'article L. 2123-34 du code général des
collectivités territoriales, à remplacer les mots : « protection » par le
mot : « défense ».
La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Alain Vasselle. Cet amendement a pour objet d'obliger la commune à
contracter une assurance afin de protéger le maire, un élu municipal
suppléant ou ayant reçu une délégation ou l'un de ces élus ayant cessé ces
fonctions, lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales pour des faits
qui n'ont pas un caractère de faute détachable.
Le fait de contrevenir à cette obligation serait puni d'une amende de 100 à 50
000 francs.
Des dispositions du même ordre existent déjà en faveur d'autres décideurs
publics : les fonctionnaires. Il s'agit donc simplement de les appliquer d'abord
aux maires, puis au sein du conseil général et du conseil régional.
La loi « Le Pors » du 13 juillet 1983, grâce aux modifications apportées par
la loi du 16 décembre 1996, accorde désormais une protection aux
fonctionnaires, à l'agent public non titulaire, à l'ancien fonctionnaire,
lorsque ceux-ci font l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui
n'ont pas le caractère de fautes personnelles. Etendre cette législation
répond aux propositions du rapport Massot.
M. le président. La parole est à M. Schosteck, pour défendre le
sous-amendement n° 20.
M. Jean-Pierre Schosteck. Il nous a semblé que le terme de « protection »
était ambigu à maints égards et que celui de « défense » serait plus
approprié. La même observation vaut pour les deux amendements suivants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 11 et
sur le sous-amendement n° 20 ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission pense que cet amendement est
justifié dans son principe. Il présente cependant quelques problèmes d'ordre
rédactionnel.
D'abord, il est certainement préférable d'inscrire « défense » plutôt que
« protection », comme le prévoit le sous-amendement.
Ensuite, alors qu'on s'efforce de dépénaliser la vie publique, nous ne pouvons
pas souscrire au dernier membre de phrase : « Le fait de contrevenir à cette
obligation est puni d'une amende de 100 à 50 000 francs. » Puis-je considérer
que vous y renoncez, monsieur Vasselle ? (M. Vasselle fait un signe
d'acquiescement.)
Sur le reste du dispositif, la commission est plutôt favorable, bien qu'il
soulève certains problèmes rédactionnels au cours de la navette.
C'est ainsi qu'il est difficile de dire que le département ou la commune a
l'obligation d'assurer la défense du président du conseil général ou du
maire « lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales pour des faits qui
n'ont pas le caractère de faute détachable ».
Je vous invite à la prudence. En effet, quand vous assurez la protection, vous
ne savez pas encore si les fautes auront un caractère détachable, il faut
souvent attendre la fin de l'instruction pour pouvoir se prononcer sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je comprends bien l'objectif de
ces amendements, auxquels le Gouvernement ne peut pourtant pas être favorable.
Certes, il n'y a, en effet, pas de raison que les élus publics ne bénéficient
pas de la même protection que les agents publics de l'Etat. Or j'observe que la
rédaction du premier alinéa de l'amendement n'est pas similaire à celle de
l'article 11 de la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires,
qui mentionne la faute personnelle et non la faute détachable.
J'observe surtout que cet amendement crée une dépense obligatoire. Par
conséquent, je souhaite que M. Vasselle veuille bien le retirer ; sinon, je
serais obligée d'invoquer l'article 40.
M. le président. Monsieur Vasselle, accédez-vous à la demande du Gouvernement
?
M. Alain Vasselle. La principale objection formulée par Mme le garde des sceaux
repose sur le caractère obligatoire de l'assurance. Il suffit donc, si M. le
rapporteur en est d'accord, de remplacer cette obligation par une simple
faculté.
Par ailleurs, il convient effectivement de substituer le mot « défense » au
mot « protection ». J'avais repris ce dernier terme uniquement parce qu'il est
utilisé dans la loi du 13 juillet 1983 pour les fonctionnaires.
Je pense, comme l'a souligné M. le rapporteur, la navette permettra d'aboutir
à une rédaction satisfaisante à la fois pour le Sénat, l'Assemblée
nationale et le Gouvernement.
J'espère que cette suggestion pourra recueillir l'assentiment de la commission
du Gouvernement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié,
présenté par M. Vasselle, et tendant à insérer, après l'article 7, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commune a la faculté d'assurer la défense du maire ou d'un élu
municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou l'un de ces élus
ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales
pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable. »
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° 11 rectifié ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission, dont j'ai déjà indiqué
l'état d'esprit, aurait été favorable à cette rédaction, qui sauverait le
texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Dès lors que l'on supprime le
dernier alinéa de cet amendement et qu'il ne s'agit plus que d'une simple
faculté, bien entendu je n'invoque pas l'article 40. Je m'en remets donc à la
sagesse du Sénat.
M. le président. Compte tenu de la rectification, le sous-amendement n° 20 n'a
plus d'objet.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11 rectifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. On avance un peu avec la rectification proposée par M.
Vasselle, laquelle, je pense, s'appliquera aussi aux amendements n°s 12 et 13,
la situation étant la même pour le département et la région. Il n'empêche
que l'on aboutit à une situation très compliquée quant à la couverture, si
je puis dire, de la responsabilité des élus locaux.
En effet, en ce qui concerne la responsabilité civile, les élus locaux sont
obligés de s'assurer personnellement et la collectivité locale ne peut jamais
leur payer l'assurance.
En ce qui concerne la responsabilité pénale, jusqu'à présent aucune mesure
n'était prévue. Mais nous avons adopté, à l'occasion du texte sur la
présomption d'innocence, avec l'accord du Gouvernement, une disposition dont
vous vous souvenez sûrement et qui aligne la situation du maire et de ses
adjoints agissant comme agents de l'Etat sur la situation des fonctionnaires de
l'Etat. Tant et si bien que, lorsque le texte sur la présomption d'innocence
sera définitivement adopté, si l'Assemblée nationale se rallie à notre
position, les maires, adjoints et conseillers municipaux agissant en qualité
d'agents de l'Etat seront couverts par l'Etat comme les fonctionnaires de l'Etat,
par référence à la disposition citée voilà un instant..., je ne sais plus
si c'est par Mme le garde des sceaux ou par M. Vasselle.
Il restera donc la situation de l'élu municipal agissant comme agent de la
commune et celle de l'élu départemental ou régional agissant comme agents du
département ou de la région. Les amendements de M. Vasselle donnent aux
collectivités la faculté de couvrir cette responsabilité.
Mes chers collègues, la question de fond est beaucoup plus simple que cela :
décidons-nous d'aligner ou non la situation des agents élus des collectivités
locales sur celle des agents non élus de ces mêmes collectivités ? Dans ce
cas, il est une règle commune aux fonctionnaires, qu'ils soient de l'Etat ou
des collectivités locales : ils sont protégés par leur administration, quelle
qu'elle soit.
On se trouve maintenant avec une distinction entre les agents élus, puisque le
maire en tant qu'agent de l'Etat sera protégé, mais, en tant qu'agent de la
collectivité ou président de région, il ne le sera pas.
Je vais me ralier par consensus à l'amendement n° 11 rectifié de M. Vasselle,
car, si j'ai bien compris votre position, madame la ministre, l'article 40 n'a
plus lieu d'être invoqué.
M. Philippe Marini. Parce que c'est une faculté !
M. le président. Mme la ministre n'invoque plus l'article 40 sur l'amendement
n° 11 rectifié puisqu'il s'agit d'une faculté et non plus d'une obligation.
M. Michel Charasse. Heureusement, parce que je considère que l'article 40
s'applique - c'est moi qui représente la commission des finances aujourd'hui -
une simple faculté étant elle aussi génératrice de charges ! Mais passons
...
Ce que je souhaite surtout, c'est que le vote du Sénat soit compris comme une
démarche positive allant dans le bon sens et que Mme la ministre s'engage à
l'Assemblée nationale, à la faveur de la navette, à normaliser tout cela (Mme
le ministre fait un signe d'assentiment), afin que tout le monde soit soumis
au même régime, à l'exclusion de la responsabilité civile, ...
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Michel Charasse. ... qui, elle, doit rester une adhésion personnelle à la
charge de l'élu local.
Par conséquent, c'est par esprit de consensus, mais aussi parce que l'on monte
une marche supplémentaire de l'escalier qui conduit à l'alignement absolu de
la situation de tous les agents des collectivités locales, qu'ils soient élus
ou non élus, que je voterai l'amendement n° 11 rectifié et les amendements
n°s 12 et 13 s'ils sont rectifiés dans le même sens.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, accepté par la commission et
pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est
inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Par amendement n° 12 rectifié, M. Vasselle propose d'insérer, après
l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 3123-28 du code général des collectivités territoriales est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le département a la faculté d'assurer la défense du président du conseil
général ou d'un vice-président ayant reçu une délégation ou l'un de ces
élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites
pénales pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable. »
M. Vasselle s'est exprimé et la commission et le Gouvernement ont donné leur
avis sur cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié, accepté par la commission et
pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est
inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Par amendement n° 13 rectifié, M. Vasselle propose d'insérer, après
l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 4135-28 du code général des collectivités territoriales est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La région a la faculté d'assurer la défense du président du conseil
régional ou d'un vice-président ayant reçu une délégation ou l'un de ces
élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites
pénales pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable. »
M. Vasselle s'est exprimé et la commission et le Gouvernement ont déjà donné
leur avis sur cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié, accepté par la commission et
pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est
inséré dans la proposition de loi, après l'article 7.
Par amendement n° 14, M. Vasselle propose d'insérer, après l'article 7, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 4 du code de procédure pénale, est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... . Lorsque le procureur de la République est saisi d'une
plainte avec constitution de partie civile à raison des actes d'un élu ou d'un
agent public et que l'instruction est confiée à un juge d'instruction, le
préfet peut élever le conflit à tout moment afin que soit déterminé s'il y
a eu faute de service ou faute personnelle. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Comme je l'avais indiqué dans mon intervention liminaire,
cet amendement a pour objet de revenir par voie législative sur un arrêt du
tribunal des conflits en date du 6 octobre 1989 « Préfet de la région
Provence - Alpes - Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône contre madame
Laplace ». Cet arrêt était revenu sur une jurisprudence très ancienne qui
permettait au préfet, ce qui est souhaitable, d'élever le conflit sur l'action
civile à tout moment, y compris devant le juge d'instruction.
Ainsi, depuis dix ans, depuis le revirement de jurisprudence - sur un cas -
lorsque le parquet est saisi d'une plainte avec constitution de partie civile à
raison d'un acte d'un agent public et que l'instruction est confiée à un juge
d'instruction, il faut attendre que la juridiction pénale ait statué sur la
responsabilité pénale pour se pencher sur la compétence juridictionnelle afin
de statuer sur la demande de dommages et intérêts.
Ce n'est qu'à ce moment-là que la juridiction pénale qualifiera la faute de
faute de service et renverra alors au juge administratif la fixation de la
réparation ou de faute personnelle afin de statuer elle-même. Le processus est
donc à la fois long pour le justiciable et peu compréhensible. Et ce n'est
qu'une fois arrivé à ce moment qu'actuellement le préfet peut élever le
conflit, s'il estime que le comportement reproché à l'agent révèle une faute
de service.
Le présent amendement prévoit donc de revenir sur la jurisprudence de 1989,
comme le propose d'ailleurs la commission Massot - je n'invente rien, mais je
suis conforté par la position qu'elle a adoptée - qui a rendu ses propositions
au garde des sceaux le 16 décembre dernier, en permettant l'élévation du
conflit dès la phase d'instruction pénale. Cela permettrait au justiciable une
orientation plus rapide vers la juridiction compétente et, dans le droit-fil
des propositions que j'ai déjà faites par ailleurs, d'améliorer l'efficacité
du partage entre ce qui relève de la faute personnelle et détachable et ce qui
relève de la faute non détachable ou de service.
Je tiens à vous dire, mes chers collègues, que c'est la préoccupation sur
laquelle s'arc-boute la majorité, pour ne pas dire la totalité des élus
locaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission ne peut absolument pas être
favorable à cet amendement. En effet, c'est avec sagesse que le tribunal des
conflits à considéré, voilà dix ans, que l'on ne peut élever le conflit
pour déterminer qui est compétent en matière d'indemnisation au stade de
l'instruction - car nous sommes au stade de l'instruction. Or l'amendement tend
à revenir sur cette jurisprudence.
De plus, on peut se demander si cet amendement ne porte pas atteinte à la
présomption d'innocence. Comme on est en cours d'instruction, on ne sait pas
encore s'il y aura ou non condamnation. Sinon, en élevant le conflit, on
permettrait au tribunal des conflits de préjuger en quelque sorte la décision
de la juridiction pénale et de déclarer qu'il y a ou non faute détachable et
donc, en pratique, d'empiéter sur la compétence de la juridiction pénale, ce
qu'il ne peut pas faire.
Naturellement, monsieur Vasselle, le tribunal des conflits décidera
inévitablement de surseoir à statuer, et il attendra que la juridiction
pénale se soit prononcée ; c'est pour cela qu'il a pris, voilà dix ans, la
décision que j'évoquais.
Nous nous sommes heurtés tout à l'heure à une difficulté semblable à propos
de l'assurance. Vous ne pouvez pas savoir par avance si une faute est lourde et
si cette faute est détachable ou non. En effet, déclarer qu'il y a une faute
détachable revient à condamner par avance la personne et donc à mettre à bas
toute la présomption d'innocence, ce qui n'est véritablement pas possible !
La commission souhaite par conséquent que M. Vasselle retire son amendement,
qui ne peut pas être opérationnel et qui n'améliore pas vraiment la
situation. Même si le tribunal des conflits est saisi formellement, il
surseoira à statuer jusqu'à la décision de la juridiction pénale, et cela
peut prendre un certain temps compte tenu des voies de recours.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est lui aussi
défavorable à cet amendement, bien qu'il reprenne une disposition du rapport
Massot. Je ne crois pas opportun de contredire dans la loi la jurisprudence du
tribunal des conflits qui interdit l'élévation du conflit au stade de
l'instruction préparatoire.
En effet, d'un point de vue juridique, une telle disposition n'est pas
véritablement justifiée. Les juridictions répressives ne sont pas
compétentes pour statuer sur les demandes de réparations pécuniaires
concernant une faute d'imprudence commise par un agent public lorsqu'il ne
s'agit pas d'une faute détachable. Mais le juge d'instruction n'est pas
habilité à statuer sur de telles demandes. Pourquoi, en conséquence, élever
le conflit à cette phase de la procédure ?
J'ajoute qu'une telle disposition apparaîtrait, aux yeux de l'opinion publique,
comme une volonté de limiter les droits des victimes, ce qui ne me semble
évidemment pas opportun.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de rejeter cet amendement.
M. le président. Monsieur Vasselle, maintenez-vous votre amendement ?
M. Alain Vasselle. Oui monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. Robert Badinter. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter. Alors que nous nous efforçons de renforcer la présomption
d'innocence, vouloir, dans le cours d'une instruction, aller jusqu'au tribunal
des conflits pour déterminer la nature éventuelle de la responsabilité, donc
de la faute, c'est déjà, d'une certaine manière, préjuger de la réalité de
ladite faute !
Restons-en à la jurisprudence actuelle et pensons au renforcement de la
présomption d'innocence à laquelle nous travaillons. Je ne crois pas que, à
ce stade, cet amendement puisse être voté, quelle que soit la qualité de son
inspiration.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8
M. le président. « Art. 8. - La présente loi est applicable en
Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna
et dans la collectivité territoriale de Mayotte. » - (Adopté.)
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